Albert Marquet, en perspective

La Méditerranée, d’une rive à l’autre, musée Paul Valery à Sète jusqu’au 3 novembre 2019

La mer est calme. Au repos. Figée picturalement. Entre bleu méditerranéen et vert atlantique se love l’espace maritime du peintre Albert Marquet (1875-1947). L’artiste est dans l’attente. Son regard, certainement, interroge le temps. C’est peut-être cela l’instant du peintre ? La souplesse du pinceau qui glisse sur la toile. Sa transparence, en équilibre. Touche en reflet sans revenir sur l’acte. Si chez Albert Marquet les œuvres ne sont pas monumentales, elles le sont dans le plan présenté (le terme cinématographique a, ici, toute sa signification, quitte à froisser les érudits). L’espace comme réaction au regard. L’exposition que l’on peut admirer au musée Paul Valéry à Sète jusqu’au 3 novembre prochain regroupe quatre-vingt œuvres réalisées entre 1908 et 1940. Découvrir un artiste ! Un chemin personnel, voire spirituel, qu’il faut prendre en charge, dans l’échange proposé. Peinture lointaine qui embrasse le champ de vision. Albert Marquet observe la vie d’un port, d’une plage, d’une rue dans sa profondeur… Le recul ne veut pas dire absence mais distance. Entre équilibre et harmonie. Pas de tempête ici, les eaux calmes comme seul horizon. Le peintre scrute l’épaisseur de la vie. Toute une vie partagée dès son entrée à l’Ecole des beaux-arts où étudiant il suit les cours de Gustave Moreau avec ses camarades Flandrin, Rouauld et son ami Matisse. Mais Albert Marquet est attiré par les couleurs du Sud, laissant ses études sur Poussin, Chardin, Titien à l’école du Louvre. Bordelais de naissance, il quittera l’Atlantique pour le contour méditerranéen et ses couleurs profondes. Il voyage, l’artiste, sans oublier les teintes de l’Océan. La Tunisie, le Maroc, l’Algérie mais aussi l’Espagne, l’Italie, la France… Un tour, palette en main. D’une rive à l’autre. L’exposition mérite la grimpette jusqu’au musée qui se trouve face au cimetière marin. Il se mérite ce voyage aux quatre-vingt toiles qui retrace la démarche singulière d’un peintre qui a toujours pensé que le vide se construisait. Les compositions rectilignes et l’humain. Il est là, en silhouette, jamais inactif, mais à sa vraie grandeur devant les bâtisses et entrepôts maritimes. Décor immense que Jacques Tati n’aurait pas renié (Voir son Playtime). Si nous devions nous arrêter sur une toile, exposée au musée Paul Valéry, ce serait celle peinte à Sète en 1924, Le Canal de Beaucaire. La démonstration que la profondeur de champs, cette perspective presque infinie, offre à notre imaginaire. Un beau cadeau que de voyager ainsi. Offrir à l’horizon maritime, un but. Chez Albert Marquet, il n’est pas infini, les obstacles sont nombreux pour arrêter notre regard en fond de toile.  N’y voyez surtout pas un destin pessimiste, mais au contraire, arrêter peut-être de courir après l’infini. Et que le but se trouve là, à quelques pas de l’horizon.

le visuel présenté : Sète Le Canal de Beaucaire 1924. Huile sur toile, 64×80 cm. Legs de M.Georges Grammont. Legs à l’état français pour dépôt au Musée de l’Annonciade, Saint-Tropez en 1959