Le monde d’avant

Woody en Dr NOha. Toute ressemblance avec Docteur No, ne sera pas une coïncidence.

1967. Un autre monde ! Voyageons dans les temps oubliés d’une époque en recherche. Une année charnière qui a vu le premier album du Velvet Underground avec Nico, la naissance du Grateful Dead et de la sonorité californienne. Les premiers troubles importants dans les universités américaines contre la guerre du Vietnam. C’est aussi le début du mouvement Hip à San Francisco, le premier des méga concerts rock à Monterey avec Jefferson Airplane et un certain Jimmy Hendrix. C’est l’année de Sgt. Pepper’s des Beatles et du Thier Satanic Majesties Request des Stones qui leur rendent la monnaie de la pièce ! La marijuana fait partie de la panoplie tout comme le sitar de Ravi Shankar ou les livres d’études du créateur du LSD, Timothy Lery. La Pop est culturelle sans que l’on prononce le mot. C’est un tout théâtral avec le Living Theater, visionnaire avec Andy Warhol. Le cinéma n’est pas en reste.  Si On ne vit que deux fois, le cinquième opus avec Sean Connery  cartonne, celui qui retiendra l’attention est la première adaptation cinématographique de Casino Royale ou la seconde si l’on compte celle réalisé pour la TV en 1954 (1). Pas de doute, Bond est psychédélique. Il emboîte le pas à un autre film aussi pop au titre musical mondialement connu de Tom Jones What’s New Pussycat réalisé par Clive Donner, sans parler de The Party de Blacke Edwards, une arme de destruction massive. Faut-il oublier le psychédélique Yellow Submarine de George Dunning supervisé par les Beatles. Un cinéma qui joue des coudes contre l’establishment. Tout semble trop étroit. La folie plane. Et le héros de Ian Fleming ne fait pas exception à la règle. A la retraite dans son château en Écosse gardé par une meute de lions (quel meilleur symbole d’attachement à la Couronne ?), c’est David Niven (pressenti par Ian Fleming à l’origine, avant Sean Connery, pour jouer l’agent secret)  qui endossa le costume de 007 en retraite, et que les plus grandes agences d’espionnage veulent revoir prendre du service pour lutter comme une organisation, le SMERSH dirigé par Le Chiffre. Tout cela n’est que prétexte à une cavalcade d’images et de clins d’œil cinéphiliques. La longue séquence très réussie dans les décors expressionnistes du film Le Cabinet du Docteur Caligari, les labyrinthes pop dérivés de la série Le Prisonnier (N°6) avec Patrick McGoohan. Film à l’humour corrosif dont la genèse ne pouvait pas avoir comme autres pères que les Marx Brothers. L’histoire est parfaitement infidèle au roman et Le Chiffre a la puissance d’un Orson Welles qui bâcle, pour son plus grand plaisir, la fameuse partie de poker entre deux tours de magie. L’intérêt est ailleurs, dans l’ensemble du jeu de massacre. Casino Royale, réalisé par quatre mousquetaires, John Huston, Ken Hughes, Robert Parrish, Joe McGrath, Val Guest, doit être regardé en se remémorant les films de W.C Fields. Se souvenir particulièrement du final emprunté à Hellzapoppin (1941). Jean-Paul Belmondo, en légionnaire, se glissant dans la parade, dico franco/anglais en main. Tout le monde y va de son dialogue ciselé, un démontage en règle du mythe. Woody Allen dans l’irrésistible Dr NOha, Peter Sellers, clône de Bond, Deborah Kerr, William Holden, Peter O’Toole, pour les plus connus. Ne pas oublier Ursula Andress et le fameux test du baiser « bondien », et le défilé de filles, toutes portant une tenue ayant été sur le dos d’une James Bond girl dont le  fameux bikini d’Ursula Andress. Le cinéma est ainsi. Dans sa folie, il passe outre les règles élémentaires du politiquement correct et des interdits que l’on s’oblige à vivre aujourd’hui. Casino Royale est un OVNI. Un film non identifiable qui sent bon, malgré ses imperfections, ce sentiment libertaire d’un cinéma anglais que l’on peut découvrir avec gourmandise sur OCS. Canal 54 sur votre téléviseur favori.
(1) Barry Nelson a l’honneur de se glisser pour la première fois dans la peau de l’agent secret devenu culte( 1954). Bien que 007 soit transformé en espion américain, le téléfilm reste extrêmement fidèle à l’œuvre de Ian Fleming. Il met également en scène les personnages récurrents que sont Le Chiffre et Felix Leiter. Ce téléfilm d’une heure tourné en live a été perdu jusque dans les années 80 où il a enfin pu bénéficier d’une sortie en VHS, dans une version incomplète. Ce ne sera que plusieurs années plus tard que sera découverte une autre version incluant cette fois la fin de l’épisode.