107 Mothers

107 MOTHERS de Peter Kerekes.  La comédienne Maryna Kllimova. Mille regards pour un mot

au nom du fils

107 ou le nombre d’entretiens que le réalisateur slovaque Peter Kerekes a effectués. Témoignages de quelques minutes, de quelques heures, alimentant le film comme autant d’affluents dont la comédienne Maryna Kllimova, en charge du rôle de Lyesa, se nourrit. Il faut du cran et beaucoup de détermination, de talent également, pour ne pas plonger, tête la première dans les déviances du cinéma carcéral. L’honneur de ces femmes était le challenge à relever. Tenu et réussi. La caméra de Peter Kerekes est là pour en témoigner. La dignité se fond dans ce décor qui devient acteur : la prison pour femme d’Odessa à la célèbre architecture française du 19e siècle. Tout est en place, la vie peut entrer en scène. Celui d’un accouchement. Première séquence du film, un cri, une vie. Et une mère en prison. Peter Kerekes nous prend par la main, avec la troublante approche que nous offre sa réalisation, une fiction ponctuée d’images documentaires… L’inverse est aussi vrai. Il y a dans cette recherche d’écriture une démarche à retenir : celle de l’invisibilité et d’une parfaite maîtrise du récit faisant abstraction des différences et des codes. La fiction et le documentaire ne font plus qu’un. Entre l’acte créatif et la captation du vivant il n’y a plus de marge, simplement un récit. LE RÉCIT. Celui de ces femmes emprisonnées, mères, qui savent que leur enfant leur sera retiré à l’âge de trois ans pour rejoindre un orphelinat, si elles n’ont aucun membre de leur famille pour s’en charger. Une séparation que refuse Lysea. Elle est fière au parloir. Droite, elle ne bronche pas devant les refus successifs familiaux d’accueillir son fils, le sauver le temps de son incarcération puisqu’on lui a refusé la liberté conditionnelle. Un fil rouge qui croise nombres de regards, de situations. Une homogénéité de la douleur, du doute, de l’espérance, de la joie et de la libération devant cette date butoir. Le désespoir n’est pas permis, et pourtant, les drames cognent aux portes des cellules ! 
Il a fallu au réalisateur Peter Kerekes une enquête approfondie pour arriver à cette fluidité de la vie carcérale. De ces juxtapositions de vies. L’enquête aura été longue avant de poser la caméra.  Onze prisons, comme autant de personnages à tester. Une rencontre ensuite, un coup de foudre. Iryna Kiryazeva gardienne de prison et qui deviendra un des personnages principaux du film. A l’origine, elle devait simplement faire visiter la prison. Mais voilà le réalisateur, on le comprend parfaitement à l’image, est “tombé cinématographiquement amoureux d’elle” à en faire un des sujets centraux du film. Tout comme les rôles secondaires, ces témoignages partagés, bruts de sensation. Cette réalité dévoilée est due certainement à l’approche humaine du réalisateur qui a pris le temps qu’il fallait pour se faire adopter… Le temps de la prison n’est pas celui de l’économie cinématographique. Il faut laisser au temps celui de la confiance. Le producteur a eu du nez. Le film s’invite dans l’espace carcérale sans dénaturer la fonction du lieu et ses règles, accompagné par le son si caractéristique en résonance. Il faut une fin, sinon une renaissance, un moment que les spectateurs découvriront et dont nous ne dévoilerons rien. Une belle fin ouverte.