140 km

La femme blanche qui marche

… Cela pourrait être le titre détourné d’un film de Marco Ferreri. Il n’en est rien, c’est le nom donné par une famille Huli et son clan à la réalisatrice Céline Rouzet. Femme blanche se déplaçant à pieds. Qui aurait cru au cœur de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, voir cette Française armée de son appareil photo aller à la rencontre du paradis ? Chacun peut naturellement en avoir sa version ! Mais ici, elle a la couleur de l’enfer et l’odeur du gaz, des magouilles et des promesses non tenues, d’un camp retranché sous la protection de murs de barbelés. Pourtant le premier contact du paradis que l’on propose aux touristes, c’est l’image du bon sauvage qui danse en votre honneur. Séquence d’ouverture du film et qui ne laisse pas indifférent. Barnum de la représentation. Identité tronquée et chatoyante. Le bon sauvage doit ressembler aux codes stricts qu’offre son imagerie. Jean-Jacques Rousseau (heureusement qu’il n’a pas écrit que cela) en est en partie responsable. Céline Rouzet détournera sa caméra pour s’enfoncer dans les méandre d’un documentaire hautement social et politique. A quelques encablures des Highlands, ExxonMobil et aujourd’hui Total exploitent la terre des natifs. Forage et pactole. Le gisement du gaz fait exploser les ambitions. Par l’intermédiaire des politiques locaux, on promet aux différents clans une manne financière contre leurs terres. “Donner votre territoire pour votre avenir“. Les violons du capitalisme sont parfaitement accordés pour qu’une partie non négligeable des citoyens de la forêt cède. Ils attendent toujours les royalties promis. C’est dans la discrétion et le respect que la réalisatrice nous plonge dans ce rêve pervers de la modernité et de sa manipulation. Pot de terre contre pot de fer. Cette famille qui l’a accueillie rejoue, sans peut-être le savoir, la perdition des tribus nord-américaines avec le même mensonge à la clé. Filmer la rivalité entretenue par Exxon entre les clans.  Au cœur de la Papouasie-Nouvelle-Guinée se joue un mauvais western de série B, sauf que là, nous sommes dans la réalité du pillage. Pas de fiction pour les manipulateurs de toutes sortes. Tout est bon pour arriver à ses fins grâce aux politiciens cupides qui portent la bonne parole de la multinationale, tout comme les rixes voulues ou entretenues entre tribus… La terre que l’on ne doit pas violer s’effrite sous les pieds. La malédiction est proche. C’est ce que capte Céline Rouzet entre deux photogrammes. Le film est un documentaire d’engagement. La destruction à petit feu des gardiens d’un monde qui depuis longtemps n’existe plus pour nous. Le témoignage de ce premier film est à découvrir, plus même, à en croire cet indien de la tribu Huli qui regarde la caméra droit dans les yeux : ” Publie cela dans les journaux, enregistre des vidéos… Et montre la Papouasie-Nouvelle Guinée !” Quoi de plus juste que de diffuser ce film au-delà des cercle convenus.