1954

Initialement prévue en 2020, la sortie de Godzilla contre King Kong réalisé par Adam Wingard, se trouve maintenant cochée à une date indéfinie de l’an 2021 ! Trente-septième film mettant en scène le monstre nippon et neuvième concernant Kong. Le dernier en date opposant les deux créatures est un remake (semble-t-il) du film américano-japonais d’Ishiro Honda (1) datant de 1962. Profitons de la diffusion sur TMC du premier Godzilla (1954) pour en prendre plein les yeux. Premier long métrage a avoir révolutionné les films de monstres, Kaijú eiga en japonais, que l’on pourrait traduire par monstres mythologiques. Godzilla sort de sa grotte sous-marine située sous l’île de pêcheurs de Odo ou Ohto. Monstre que l’on devait apaiser (rappelant Kong, l’autre mythe) par l’offrande d’une vierge. Les temps anciens n’ayant plus cours, la légende endormie se voit réveiller par une puissance destructrice sans commune mesure avec son pouvoir. Les essais nucléaires. Symbole du traumatisme d’Hiroshima et Nagasaki. Godzilla, lui-même radioactif, possède la puissance destructrice de la fureur des Dieux face aux humains. Un film réalisé avec des moyens limités, des trucages voyants, des maquettes de balsa, des jouets comme véhicules d’intervention et un clin d’œil au métro de l’autre monstre du cinéma. Un univers de marionnettistes dû au magicien des effets spéciaux, Eiji Tsuburaya. Un cinéma qui a comme prétention d’être moins festif que les pages du scénario veulent bien le décrire. Le leitmotiv est simple : le nucléaire. Répété à longueur de plans entre le professeur Yamane, paléontologue et zoologiste, et sa fille Emiko Yamane, le docteur Daisuke Serizawa et enfin avec le chercheur Serizawa à l’origine d’une arme destructrice, le destructeur d’oxygène, qui pourrait faire passer la bombe atomique pour une grenade de plâtre. La hantise est là entre l’anéantissement et la peur d’utiliser cette arme nouvelle, dernier rempart avant la destruction totale. Un choix que paiera de sa vie le professeur Serizawaemportant dans la mort le monstre et le secret de fabrication de son arme. Est-ce un hasard si le chercheur porte un bandeau noir sur l’œil ? La solitude du pirate dans son antre, immense laboratoire, caverne aux trésors biologiques et autres armes destructrices que rappellera plus tard le manga animé Albator 84. Qui d’autre qu’un samouraï pouvait se sacrifier dans un dernier combat au fond de l’océan pour anéantir Godzilla ? En détruisant la légende, le Japon de l’après-guerre se veut moderne, débarrassé de ses superstitions. Mais on le sait, le cinéma aime les légendes… Deux ans plus tard, en 1956, la censure américaine est passée par là. Le film reprendra vie aux couleurs de l’oncle Sam. Le comédien Raymond Burr prêtera sa silhouette dans plusieurs scènes additionnelles. Un second montage minimisera fortement l’implication des essais nucléaires. Des coupes qui réduiront le film de dix-huit minutes et sera co-signé par Terry Morse, monteur et réalisateur. La mutation des aventures de Godzilla ne fait que commencer. Au fil des films, on le dépouillera consciencieusement de sa représentation première – le fantasme de la peur nucléaire – pour rejoindre la parade des monstres que le 7e Art exhibera comme Kong. Mais ici aucune belle ne fera battre le cœur du monstre.