PAROLES DE FEMMES
Sortie le 13 janvier 2023
L’image, sobre, porte la parole. Et cela suffit à en faire un film. Les réalisateurs Germain et Robin Aguesse posent leur caméra dans l’intimité de la mémoire. Celle que l’on ne devrait jamais oublier. A qui la faute ? Au temps qui fait son office gommant l’inacceptable. Et pourtant ! Nos héroïnes sont là, endimanchées. Prêtes en tout point à se confesser. Moyenne d’âge 90 ans. Pimpantes, elles le sont. Marie-Claire grand-mère des réalisateurs, Geneviève, résistante, à l’initiative du réseau « La Voix du Nord », Frédérique qui a suivi ses parents dans la préservation des œuvres d’art du Louvre, enfin Lili, juive, déportée aux camps de Ravensbrück et de Bergen-Belsen. Un fossé, le temps historique entre elles et nous. Des paroles et des silences. Une voix off, celle de Benoît Allemane, tout en retenue, pour ne pas déranger le récit qu’il souligne.
L’idée est née d’un dialogue avec la grand-mère des deux réalisateurs, capter la confession et les non-dits. Celle de l’oubli. Ne pas balayer sous le tapis de l’histoire les faits que certains négationnistes voudraient voir disparaître. Le documentaire avance à pas de loup, sans bruit ni effet. Le témoignage des protagonistes nous retient de bout en bout. Il faut du courage, de la ténacité pour traverser les épreuves de l’occupation, les doutes, les privations, ces Français de la milice, la chasse aux juifs, la résistance. La peur, la déportation, les camps, la mort et ces mots pour expliquer la survie. Ce courage de parler, face caméra, le plus souvent en plan poitrine. Mais ici nous ne sommes pas dans une émission de télévision. Le cinéma est plein cadre. Le minimalisme en fait la force.
Germain et Robin Aguesse ont su aborder les témoignages en évacuant les questions, et donner ainsi libre court à la parole, renforçant le vécu. Il y a des archives filmées, naturellement. Juste ce qu’il faut pour ne pas brouiller le discours. Un discours ! Un appel qui pourrait en rappeler un autre. Le film n’est pas seulement le témoignage de quatre femmes, mais de celui de beaucoup d’autres, anonymes, qui chacune à leur façon ont relevé le gant, combattant l’occupant. Cette force du langage, cette détermination à vivre nous rappelle ce qui se passe à 2 000 km de nos frontières. Un film dont le contenu, on l’aura compris résonne bien au-delà des frontières.