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Valéry Giscard d’Estaing, vingtième président de la République française est décédé des suites du Covid 19 le 2 décembre 2020 à l’âge de 94 ans. Il reste le vide d’une époque aujourd’hui sacralisée. Déjà en 1974, nos compatriotes avaient voté pour la jeunesse qui retrousse les manches de la modernité dans un pays assoupi. Une jeunesse T-Shirt au corps barré d’un Giscard à la barre qui piaffe d’impatience. Nous sommes à la fin d’une époque, mais le documentaire ne le sait pas encore. Notre regard du XXIe siècle nous montre l’abîme. Valéry Giscard d’Estaing a la modernité dans le sang. Il a un modèle (mais il n’est pas le seul) : la campagne de Kennedy. La sienne sera filmée de bout en bout. Pour ce faire, il lui faut un réalisateur. Ce sera Raymond Depardon qui a créé huit ans plutôt l’agence Gamma avec Gilles Caron. Auteur de plusieurs courts métrages dont le remarqué Jan Palach (1969), le voilà armé d’une « Eclair » (caméra 16mm) à la poursuite d’une élection. Nous sommes à quelques encablures du décès de Georges Pompidou. Le ministre des Finances se lance dans la bataille. Raymond Depardon, dont c’est le premier long métrage, ne lâchera pas Valéry. Une connivence s’instaure signée par un certain nombre de regard caméra : on ne s’y trompe pas. Alors que l’entourage de VGE était hostile au film et particulièrement Michel Poniatowki, alors ministre de l’Intérieur. Le film se fera. Il n’a pas encore de titre. On attendra les résultats de l’élection : victoire à 50,81%. Là s’arrêtera l’aventure. Le documentaire sera interdit. Le nouveau Président qui se voulait différent retrouve l’instinct ancestral des monarques. ôtez-moi ces images que je ne saurai voir. Toute censure est injustifiée. Le film ne verra les grands écrans qu’en février 2002. Et pourtant ! Raymond Depardon scrute d’une façon inédite le pouvoir. Bien au-delà d’un sujet politique, c’est à travers la reconstruction du langage documentaire qu’il nous propose de découvrir le pouvoir. Il n’est pas question de plans courts mais au contraire de laisser la pellicule se dérouler. Avec une autonomie de dix minutes par magasin de caméra, Raymond Depardon devient le premier réalisateur à laisser le temps au temps. Au silence, à la réflexion, au regard. Le plan séquence, pouvant atteindre plusieurs minutes, offre au spectateur une approche intime du personnage. Et nous faire découvrir ainsi quelques tics, comme ce besoin inlassable de se repeigner. L’oeil du réalisateur scrute VGE, l’animal politique, comme un chasseur de grands fauves. Il est stoïque, d’égale humeur. Il attend patiemment son heure dans sa solitude. Seul également au volant de sa voiture saluant à la bonne franquette les Français sur la route avec force poignées de mains et frappes amicales. Un sourire, un mot, un remerciement. Pas de service d’ordre entre le peuple et le monarque. Pas de barrière sur le parvis de l’Élysée, entre les journalistes et les politiques. Les rapports semblaient si simples. Le film de Raymond Depardon signe la fin d’une époque. Une France qui venait de subir son premier choc pétrolier. La barre du million de chômeurs allait être franchie. Les désillusions politiques au rendez-vous, sans possible retour en arrière (à noter qu’à l’époque, les bulletins blancs et nuls étaient comptabilisés). Le film devient une empreinte. Celle d’un documentaire que Raymond Depardon nous offre à voir et revoir sur cinemutins.com un film moderne, d’actualité qui nous interroge sur la représentation des élus aujourd’hui. Cette impossibilité de nos politiques d’être politique. On peut ne pas aimer Giscard mais reconnaissons qu’il a offert à Raymond Depardon la possibilité de réaliser un film majeur sur le monde politique. Cette partie de campagne est une tranche de vie d’une France disparue.

photogramme de 1974 UNE PARTIE DE CAMPAGNE 

Liste des films de Raymond Depardon disponible sur Cinemutins.com

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1974, une partie de campagne