Il y a des films miraculeux, touchés par le doigt du divin. Une résurrection. Un miracle cinématographique. Le cinéma regorge de bijoux rangés sur les étagères, ignorés de tous sauf de la poussière. Voici donc un miracle. La renaissance d’Amazing Grace, un film réalisé en 1972 par le producteur et réalisateur Alan Elliot et l’auteur d’Out of Africa, Sydney Pollack lors de l’enregistrement en direct dans une église d’un disque d’Aretha Franklin. Deux jours de tournage mais des problèmes techniques et de synchronisation du son qui ont placardisé le documentaire. La reine de la soul insatisfaite du montage refusant que le film sorte. Qu’à cela ne tienne, le disque sera dans les bacs et Amazing Grace deviendra l’album de gospel le plus vendu de tous les temps, consacrant le succès de la reine de la soul. Il ne faut pas croire que le cinéma enterre si facilement les films oubliés ! Le 7e Art est un phœnix. Je reconnais humblement qu’il a fallu que le cinéma de ma ville (Le Casino à Villiers-sur-Marne) diffuse le film pour découvrir cette pépite. A deux pas des années « flower power » et déjà dans celles de Shaft, le flic noir des Nuits d’Harlem, réalisé par Gordon Parks. Le film de Pollack et Elliot se positionne dans cette mouvance. Une black attitude qui fera date. Il n’y a pas de hasard dans les sorties cinématographiques. Shaft sera sur les écrans à quelques encablures du tournage d’Amazing Grace. Étrange, envoûtante et déroutante la concordance des temps. L’image est une anthropologie de l’espace filmé, figé. Caméra Éclair sur l’épaule, les opérateurs tournent synchro dans la transe rythmique d’une Aretha en pleine possession de son art. Les tripes au sol, vous montez au ciel. Pas de demi-mesure. La sueur s’invite sur les visages, colle à l’image. La performance est dans l’extrême. Le film est là, renaissant dans les imperfections du tournage, grains à l’image dû au format 16 mm alors employé, matière atypique au regard d’aujourd’hui. Brut de qualité. Élément sculptural. Matière à former. Une captation qui n’a rien à voir avec la maîtrise sans vie de la télévision. Ainsi va la découverte de ce film oublié. Il reste la perfection d’une voix, celle d’Aretha qui remplit l’image. Nos yeux en prennent plein les décibels. Si le film reste une archive, le disque, lui, reste un monument. Les deux se conjuguant au même temps. Celui de la source.