A l'ombre
de la perfection
Le Chanteur de jazz d’Alan Crosland, premier film sonore et synchronisé, sort en octobre 1927 en salles, deux mois avant le somptueux Casanova d’Alexandre Volkoff avec Ivan Mosjoukine dans le rôle-titre. Comédien auréolé pour son interprétation précédente de Michel Strogoff. Alexandre Volkoff signe un Casanova à l’apogée de l’art du muet. Certains n’hésiteront pas à parler de la perfection ressentie par le spectateur. En découvrant le DVD que l’on doit à Doriane Films et Lobster Films (pour l’édition française), on est un peu dans la peau des spectateurs de l’époque. Éblouis. Comment cela pouvait-il en être autrement ? Imaginez un cinéma, l’Empire pour ne pas le nommer. Mille deux cents fauteuils et un écran de la taille d’un terrain de tennis. Une fosse et un orchestre de plus de 30 musiciens… Casanova est un film épique à l’image de son personnage. On ne pouvait pas faire moins. Produit par la fameuse société de production le Studio Albatros fondé à Montreuil en 1920. Un camps retranché pour Russes blancs regroupant quelques pépites du cinéma, Iossif Ermoliev, Ivan Mosjoukine, Nathalie Lissenko, Nicolas Rimsky, ayant fuit la révolution pour venir mordre le cinéma à pleines dents sur les terres de Méliès. Décors alpins, Venise et sa place St Marc, foisonnement de costumes, cascades, nombre de figurants qui n’a rien à envier à Intolérance : Casanova aurait dû, de part son envergure, casser la baraque. Les planètes semblaient parfaitement alignées. Trop peut-être ! Miser sur la légèreté était un atout, l’interprétation d’Alexandre Volkoff faisait de Casanova un voyou sympathique traversant le film d’une fantaisie historique revendiquée. La nonchalance du comédien évoquant le jeu décontracté de Jean-Paul Belmondo. La flamboyance du film ne suffira pas à en faire un succès. Le cinéma parlant est entré dans les salles par la grande porte tuant le gestuel et toute parole à l’accent trop prononcé. La voix doit être lisse, uniforme sans accrocs rocailleux. La petite colonie de Russes blancs le perçoit parfaitement. Le séisme sera d’amplitude 9. Le film disparaîtra après une dernière séance en 1931, après avoir été remonté, tronqué. Il restera sur les étagères du temps jusqu’en 1978. Tout trésor plongé dans la cinémathèque de Langlois refait surface. Une bobine colorisée au pochoir, des négatifs originaux à faire saliver tout anthropologue cinématographique. Le processus de la restauration était en marche. Les cinémathèques de Prague et de Rome apporteront, elles aussi leurs trésors. Huit ans plus tard le travail de Renée Lichtig (chargée de la restauration) est enfin visible, Los Angeles et Paris en 1986, Venise en 1988. La numérisation commence et débouchera en 2016 à la version visible aujourd’hui sur ce DVD/Blu-Ray. Toute l’aventure d’un film qui aurait pu, comme beaucoup d’autres, disparaître dans l’anonymat d’un rayonnage. Alors il faut profiter du flair de quelques-uns pour savourer le plaisir de la découverte.
Le DVD/Blu-Ray est plein de surprises, comme peut l’être un cadeau offert à Noël, au Nouvel an, pour une fête, un anniversaire. Vous choisissez, mais attention, le tirage est limité !