chiffres en baisse

LE JOUR D'APRÈS...

La météo n’y est pas pour grand-chose. Encore qu’un scénario sur le dérèglement climatique a déjà fait ses preuves. La pandémie certainement, les restrictions également, le changement de cap, certainement. Deux ans de Covid vous change la vie d’un spectateur et désorganise la filière de distribution de films en salles, goulot d’étranglement pour les sorties et films passé en pertes et profits. Deux ans à rattraper ? Espérons-le, malgré les chiffres alarmants annoncés par le CNC en ce début d’année 2022. Une baisse de la fréquentation faisant de janvier le plus mauvais mois depuis 1994. Il faut faire attention, éviter de jouer avec les comparaisons. Souvent elles bégaient. En 1994 on pouvait voir sur les écrans Le Roi Lion, La Liste de Schindler, Léon, Les Roseaux sauvages ou encore Pulp Fiction, quelques perles pour une année que l’on considérait comme catastrophique avec ses 124 millions de spectateursUn ressac, aujourd’hui, digne des grandes marées que l’industrie n’envisageait plus depuis l’excellence des entrées en 2019 : la barre des 200 millions de spectateurs franchie. Un avenir radieux aux portes des salles ? Et pourtant ! Le Covid en « Director » décida de changer le scénario. L’arrêt brutal cloua le bec aux prévisions. Mais le couac est autre, nous ne sommes plus en 1994 avec l’arrivée massive du DVD et l’achat frénétique de galettes. Moins conjoncturelle, plus en profondeur, liant le culturel et la technologie, le mal s’est installé dans les moyens de consommations directs. La concurrence frontale (envers les salles) vampirise tout sur son passage. Le Covid, le pass vaccinal sont tacitement devenus les alliés de Netflix, Amazon et autres mastodontes qui font passer les majors hollywoodiennes pour des épiceries de quartier. Une conjoncture favorable, d’autres parleront de l’alignement des planètes, en tout cas, un sort de Voldemort qui évapore de façon drastique les entrées en salles. Le repli sur soi, le cocooning comme style de vie (pas seulement, heureusement) et l’on détourne les regards vers d’autres écrans. Un parti pris parfaitement assumé par les consommateurs. Le clic engendre la paresse. Le robinet à images est ouvert et le ruissellement vers les salles obscures plus rare. Ne sentez-vous pas le vent tourner ? Cette bourrasque qui fait trembler les édifices ? Il faut hisser haut ce besoin gourmand que nous avons devant l’image sautillante. Revendiquer cette exception sur grand écran. Mais voilà,  Hollywood n’a-t-il pas déjà sauté le pas en décernant plusieurs statuettes à des films jamais sortis en salles ? Là où il y a quelques années les professionnels avaient juré craché qu’ils ne mangeraient pas de ce pain-là. Ne jamais dire jamais ! Depuis, de l’eau a coulé sous les affirmations diluées par la signature d’un gros chèque. L’industrie rebat les cartes. Un changement de logiciel s’est opéré. Le confinement et les restrictions ont imposé l’attente, voire l’impatience. Les abonnements aux plates-formes ont explosé tout comme les achats de vidéo projecteurs. On ne va plus au cinéma, on consomme un film sur grand écran, à la télévision, sur une tablette, son téléphone désacralisant les repères cinéphiles ancrés en salle. Un clic suffit. Une multitude de supports pour une même œuvre. On commence un film chez soi et on le termine sur son smartphone dans les transports. Le temps de la salle n’est plus le même qu’en 1994, époque où le film s’installait, prenait le pouls des spectateurs, s’imprégnait de l’atmosphère. Une alchimie encore efficace aujourd’hui dans ces salles tenues à bout de bras. La cinéphilie avait un sens, même si l’âge d’or reste un lointain souvenir. Les poches de résistance sont là, nombreuses se logeant dans des structures aux multiples définitions offrant un échange fructueux : de l’étude des films (lycées et cinéma, des festivals comme celui de Gindou, associations, ciné-clubs mais aussi l’apprentissage de la mise en scène, de l’écriture du scénario, de la direction d’acteurs, etc. ), l’animation proposée par certains directeurs de salles qui ne ménagent pas leurs efforts. Vivier culturel qui ne s’arrête pas là. Toutes les initiatives sont bonnes. Cela suffira-t-il ? Le 7eme art se dissout lentement dans le flot continu des images proposées dans des œuvres télévisuelles indifférenciées. Les spectateurs retrouveront-ils ce besoin de retourner en salle ? Gageons que oui. Espérons-le. Cela sera difficile, mais pas impossible. En résistance pour ne pas se retrouver devant un désert de salles fermées.