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Jeux du costume, costume du JE

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(1) Depuis trente-cinq ans The Rocky Horror Picture Show se joue sans interruption au studio Galande à Paris. Une aventure due à un groupe de fans absoluqui ont pris à bout de bras l’aventure de ce film à l’échec commercial cuisant. Une belle soirée en perspectivecomme vous n’en avez jamais vécue au cinéma.

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Jean-Paul Gaultier en maître de cérémonie endosse la posture de Peter Ustinov dans le Lola Montès de Max Ophüls. Il nous fait descendre dans l’arène, celle de la représentation vestimentaire. Tournez manège ! La Cinémathèque française a eu la belle idée de laisser le couturier Jean-Paul Gaultier fouiner et humer les trésors d’une garde-robe aux multiples souvenirs dont le panthéon d’Henri Langlois regorge. Avec cette question oh combien naturelle qui en taraude plus d’un : que serait un comédien, une actrice sans le costume ? Quelle est sa valeur ajoutée au jeu ? Construire son personnage grâce à une étoffe ? Des questions aussi vieilles que les tréteaux eux-mêmes. La réponse se trouve peut-être dans les choix de Jean-Paul Gaultier. Hors de la représentation scénique,  le costume à ce plus, bien compris du couturier. Celui de revigorer l’imaginaire d’un film oublié, et dont le souvenir s’est effiloché avec le temps. Cette robe qui fait tout un film : Gilda reste un exemple. En contre ut, la fluidité de la robe Vichy, débarrassée de toute sophistication hollywoodienne, que Brigitte Bardot s’approprie dans Et Dieu créa la femme. La liberté d’une Nouvelle vague naissante devant le carcan industriel. Jean Seberg vendeuse du Herald Tribune remontant les Champs Élysées en est une parfaite illustration. L’exposition n’est pas un culte des reliques. Rien de poussiéreux, tout est dans les juxtapositions des propositions, des voyages, de l’espace-temps proposé. Ce filage jalonne cinq étapes voulues par le couturier de Madonna. L’espiègle Jean-Paul a ouvert grand les penderies. Piochant sans limites (enfin presque) pour nous offrir ce drôle de kaléidoscope sensoriel. La  mode vue par le grand écran, on pense à Falbalas de Jacques Becker et de Qui êtes-vous Polly Maggoo du photographe William Klein. Comment oublier  Blow-Up d’Antonioni… Une seconde étape, obligée, dont Hollywood s’est fait le champion,  femme fatale, macho man… double représentation pour une même perspective, complémentaire. De Marilyn Monroe et Mae West  et leurs robes vertigineuses au John Wayne en cow boy de La Prisonnière du désert de John Ford… Ajoutons le contrepoids sensuel de Marlon Brando dans Un tramway nommé désir d’Elia Kazan. On comprend le cheminement de Gaultier. Une approche multiple et sans réserve, presque libertaire. Le corps et le vêtements ne font qu’un, presque. Le couturier n’a-t-il pas dit pendant la conférence de presse, en ouverture de l’exposition  » … Que le costume ne serait rien sans le corps ?  » Traverser le miroir ? Il suffit de franchir le Rubicon et nous voilà sur l’itinéraire des Transgressions, troisième partie de l’exposition. L’androgynie de Marlene Dietrich et de Katharine Hepbrun. Nous sommes dans les années 30 et déjà le pantalon et le smoking sortent du vestiaire masculin pour devenir l’apanage féminin d’une élégance assumée dans l’ambiguïté d’alors. Les années 70 s’affranchiront du qu’en-dira-t-on. La transgression devient révolutionnaire et s’affirmera dans l’outrance avec The Rocky Picture Horror Show de Jim Sharman qui sort l’underground des placards (1). Ne pas oublier Rainer W. Fassbiner et son film Querelle. Des marins en marinière dont Jean-Paul Gaultier fera le dress code de l’homme-objet. Reconnaissons au couturier cette remise en question perpétuelle. Il n’y a pas de liberté sans de bon apprentis. Ne jamais remettre sur l’établi la création de demain. Il est créateur, à jouer des coudes, à s’amuser. Ne devient-il pas le costumier de Pedro Almodovar ! Un plaisir non dissimulé dans sa manière de revisiter avec soin, les élégances d’une autre époque. Qui d’autre comme camarade de jeu et de couleur ? Ainsi va le cinéma dans les méandres des rencontres. La mouvance conviviale et la reconnaissance. L’oubli aussi, celui de l’autre. Le monde devient immédiateté, sans autre reconnaissance que l’instant. Pourquoi parler du passer, de l’avenir ? Celui de l’histoire et du plaisir hurlant. Métal Hulant  : clin d’ œil à l’indispensable mensuel des années 80 et à la déperdition des regards. L’imagerie est celle de la BD aussi bien pour une Jeanne d’Arc prisonnière de son corset de fer que s’imposent Jean Seberg, Sandrine Bonnaire ou Milla Jovovich. La pucelle restera une héroïne dont on n’en finit pas de filmer son « nom ». Il en est autre chose de Barbarella, des années psychédéliques, impossible à transcrire aujourd’hui. Jane Fonda campant l’héroïne sexy du dessinateur Jean-Claude Forest qui d’un trait révolutionna la représentation du corps féminin. Certains diront, sa liberté. Les agitateurs d’images s’en donnent à cœur joie. Rien n’est trop beau pour enfin s’offrir le monde. Orange mécanique de Stanley Kubrick reste l’emblème d’une époque que l’on croyait déstructurée. Rien de cela, le pire est devant nous. On le sait et Jean-Paul Gaultier en fin limier le devine. Alors pourquoi ne pas terminer avec ce dernier tour de piste, avant que le monde s’écroule. Dansons une dernière fois au-dessus du volcan. Les défilés pour ne pas oublier. La parade est entière. Comme des enfants nous voilà éblouis. Les films ne manquent pas pour clore l’exposition. The Women de George Cukor,  Funny Face de Stanley Donen ou plus récemment Le Diable s’habille en Prada de David Frankel. Autant en emporte la mode. Autant en emporte les films judicieusement choisi par le maître de cérémonie. Comprendre que l’itinéraire proposé n’est pas le fait d’une simple envie de styliste. Il s’agit, à travers les costumes, les films, les comédiennes et les comédiens qui les ont portés, de voyager dans le temps, le remonter pour découvrir qu’un bout de tissu raconte peut-être beaucoup plus de l’évolution sociale et politique de notre société que de grands discours…