

Voilà un coffret de trois films proposé Lobster qui a le goût de la résistance. Le temps n’a rien à voir avec l’affaire. Bien au contraire. Entre le passé et le présent, le code Hays (1934) se conjugue aujourd’hui avec le même venin. Trois films libres réalisés dans le cyclone du puritanisme américain. Un écho qui refait surface, où chacun juge selon la morale de sa chapelle ! Un coffret donc, rare, qui fait du bien aux yeux. Braver l’interdit et mettre un coup de pied dans le purgatoire. Trois films à découvrir, tous de 1934. Woman In The Dark de Phil Rosen avec Fay Wray sortie de son amour animal avec Kong et Melvyn Douglas, Back Page du réalisateur Anton Lorenze avec Peggy Shannon et Russel Hopton et enfin Midnight de Chester Erskine avec Humphrey Bogart dans un de ses premiers rôles et Sidney Fox. Des pépites qui ont bravé le code établi en 1930 par le sénateur William Hays, Président de la Motion Pictures Producers and Distributors Associations. Pas besoin de réaliser un plan séquence pour comprendre l’importance du bonhomme. Il collera son nom au Code, tout comme 20 ans plus tard le sénateur McCarthy signera la chasse aux sorcières. Congédiez d’un revers de main les démons, ils reviennent au galop. Il faut être de tous les combats pour ne jamais se justifier de la censure comme morale. Le coffret nous offre cette opportunité historique de comprendre à travers ces trois films qui ont échappé/détourné le code, la lourdeur de cette chape de plomb imposant aux Majors l’autocensure comme seul modèle artistique. Une remise au pas d’Hollywood qui durera trois décennies de 1934 à 1966. Reconnaissons que les nombreux scandales qui jalonnèrent l’imaginaire de Babylone ne pouvaient laisser indifférent les autorités. C’est l’affaire Roscoe Arbuckle (Fatty) en 1921 qui mit le feu au poudre. Le premier d’une longue liste de faux pas qui entacha Hollywood. Soirée mortifère ou l’on retrouva l’actrice Virginie Rappe, violée et tuée. Fatty, l’organisateur de la soirée, fut acquitté malgré les lourdes présomptions qui pesaient sur la star. Les échos eurent un tel retentissement que les patrons des studios décidèrent comme un seul homme de moraliser la profession. Le code Hays en ajouta une couche dans l’encouragement à l’autocensure comme modèle artistique. Les trois films qui échappent aux injonctions sont des œuvres courtes et intenses. On ne badine pas avec le temps lorsque l’on a que 70 minutes à se mettre sous la dent. Des séries B qui méritent le label A. Une particularité permettant à ces films courts de faire partie d’un double programme projeté dans quelques salles, loin de Sunset Boulevard. Loin du bruit et de la fureur qui ébranlent l’industrie cinématographique. Des films de divertissement teintés d’une histoire subversive qui aura échappé aux censeurs. Le cinéma a des secrets que le cinéphile ignore. Celle de la disparition programmée de ces films dont le mérite était d’écrire quelques pages du 7e Art aux frontières de la censure. Avec Lobster nous piochons dans le grenier d’une histoire qui n’en finit pas de s’écrire contre vent et interdiction. Rien n’est jamais acquis, on le voit particulièrement aujourd’hui avec les soubresauts détournés du code Hays et la volonté de censure que certains imposent à Disney (1). Reconnaissons pour notre plus grand bien de cinéphiles qu’il existe des îlots comme Lobster rappelant ces bons vieux films d’aventures à épisodes avec, à la clé, la découverte d’un trésor. Serge Bromberg (Lobster) exhume ces pépites pour mieux les partager. Elles viennent nourrir le patrimoine de nos collections. Soyons heureux de croire qu’aujourd’hui ces films oubliés ne disparaissent plus tout à fait. A l’heure où les salles vont réouvrir, comptons sur les doigts d’une main le nombre de cinémas dédiés aujourd’hui au patrimoine ! Si toutes les villes ne sont pas dotées d’une cinémathèque, chaque cinéphile dispose chez lui d’une part de l’histoire du cinéma qu’il se forge selon ses besoins et ses envies. L’avenir du patrimoine ? Lobster fait partie de ces éditeurs qui s’obstinent à valoriser le film dans son époque, même lorsque celle-ci n’est pas reluisante. Avec plus de 126 ans d’âge le 7e Art a les moyens de se retourner sur son passé. Grâce à ces recherches, des portes s’ouvrent sur des archives souvent oubliées dans les dédales des ayants droit de cette industrie cinématographique aussi fleurissantes que vénéneuses dont les studios dirigés par des nababs se croyaient émanciper de toutes morales. La foudre est tombée tel un anathème sclérosant en partie la première décennie du parlant. Il reste des traces de cette liberté oubliée dans le coffret Hollywood, Dans l’ombre des Studios.
(1) Il semblerait, mais prenons cela avec des pincettes, que l’on remettrait en cause ce fameux baiser du Prince charmant à Blanche-neige endormie. Un baiser non consenti. A-t-on oublié que la fiction n’est pas la réalité et qu’un conte en dit beaucoup plus long que l’histoire qu’il raconte.