Photogramme du film Napoléon (1925) d’Abel Gance. Les protagonistes de la Révolution regarde le XXIe droit dans les yeux « qu’avez vous fait de la République ? »
Marat l’ami du peuple incarné par Antonin Artaud dans le Napoléon d’Abel Gance. « Pas de pitié pour le doute !«
Edith Piaf sur les grilles de Versailles, l’image parfaite de Marianne, A ça ira, ça ira… Un moment fort de Si Versailles m’était conté de Sacha Guitry
Liberté, Égalité Choucroute réalisé par Jean Yanne. Quand l’humour devient révolutionnaire
La Révolution Française ( 1789-1799) est la mère de toutes les révolutions. Son imaginaire fantasque a traversé la littérature avec un certain bonheur, pour ne pas écrire un bonheur certain. Le cinéma, lui, ne s’est jamais senti à l’aise avec cette charnière historique. L’image certainement. Le verbe aussi. L’intransigeance du propos, naturellement. Cette impossibilité à filmer la nuance humaine de peur de passer pour traitre. Ce n’est pas par faute d’avoir essayé. On compte pas moins de 250 films réalisés depuis les origines du cinéma aux États-Unis, en Grande Bretagne, en Russie, mais aussi au Japon, en Italie, Allemagne, Pologne, au Damenark, en Égypte et naturellement en France. Le 7e Art n’a jamais trouvé la place narrative qui revenait à la Révolution. Trop complexe pour l’aborder de front, trop puissante pour l’accepter dans son ensemble. La Révolution est un tout, sans partage. Elle fait mal, là où on appuie. Alors le cinéma la saucissonnera en morceaux dépeçant l’Histoire pour en faire des scénarios. Excepté quelques films, Napoléon (Albel Gance) La Marseillaise (Jean Renoir), Adieu Bonaparte (Youssef Chahine) Danton (Andrzej Wajda), etc. le 7e Art se contentera d’y puiser quelques anecdotes pour alimenter le scénario quitte à balayer sous le tapis de l’Histoire ce que l’on ne veut pas voir. Comparer à la Russie qui a glorifié cinématographiquement sa Révolution (1917). La représentation de la guerre d’indépendance américaine est, elle aussi, magnifiée. Il est à noter que le cinéma américain se focalisera surtout sur la guerre de Sécession représentant aux yeux des Américain ce qui déterminera l’avenir des États-Unis, avec la conquête de l’Ouest. Cette guerre civile, la France révolutionnaire la connaîtra elle aussi, en Vendée avec les Chouans de Bretagne et de Normandie, mais aussi avec la rébellion contre les Jacobins dans le Sud et à l’Est de la France. Sans parler du reste. L’Europe monarchique. La solitude des idées universalistes de la Révolution face au reste du monde. Cette détermination d’avoir raison contre tous se retrouve dans la violence des jugements. Les différents films concernant Marie-Antoinette – que l’on essaie en vain de réhabiliter – comme L’Autrichienne (Pierre Granier-Deferre) L’affaire du collier de la Reine (Marcel l’Herbier) ou encore une des nombreuses adaptations des Chouans de Balzac, le film de Henri Calef par exemple ou celle du roman de Victor Hugo Quatre-Vingt Treize. La violence libertaire dans l’Hémicycle, les débats, la justice sans justice, la prison du Temple comme dans L’enfant Roi de Jean Kemm… Les sans-culottes et Valmy, la première victoire de la République. Même si nos historiens minimisent la portée de cette victoire. Le cinéma la glorifiera devant la caméra de Jean Renoir avec La Marseillaise. Le cinéma français pourtant n’ira jamais au bout de sa représentation révolutionnaire et le public lui fera savoir. Les films étrangers ne sont pas en reste. Rien n’est bon dans ce fait historique. On pointe du doigt ce peuple crasseux qui a des envies de grandeur. Les différentes versions des deux orphelines (14 adaptions) en sont un bon exemple. Le Régime de la Terreur d’Anthony Mann, autre film à charge, fera les choux gras d’Hollywood. Aux sans-culottes, on préfère toujours et encore Lafayette : L’Esprit de Lafayette de James Vincent ; à noter également Le Mouron Rouge de Richard Stanton. Les aristos propres sur eux ont fière allure jusque dans la défaite. Des héros que l’on préfère aux va-nu-pieds. Le Chevalier de Maison-Rouge d’Albert Capellani en est un parfait exemple français. Les films du Bicentenaire furent des représentations d’Épinal, de belles gravures conformes à une imagerie insipide. On s’aperçoit que l’on ne peut pas filmer la Révolution française dans sa violence pure, dans sa détermination face au doute. Le doute est un ennemi de l’intérieur. Douter, c’est être contre-révolutionnaire. Ce n’est pas le cinéma dans sa trop grande prudence qui honorera la complexité de la Révolution mais la télévision publique. Dans sa démarche pédagogique de la fin des années 50. La terreur et la Vertu, La nuit de Varennes, La mort de Marie-Antoinette, toutes œuvres de Stellio Lorenzi, St Just ou la force des choses de Pierre Cardinal. Dramatiques de la collection La caméra explore le temps, que l’on peut (re)découvrir sur le site de l’INA. A retenir le film d’Ariane Mnouchkine 1789 captation de la pièce jouée du théâtre du Soleil au lendemain de mai 68. Si l’humour et la franche rigolade se sont inspirés de la Révolution, Liberté Egalité Choucroute (Jean Yanne) et La Folle Histoire du Monde (Mel Brooks), ces films restent des exceptions. Et pourtant, on imagine ce qu’aurait réalisé Chaplin ou un Tati… A noter également l’opérette Violette Impériale de Jean Delannoy. Une curiosité : le film de John G.Adolfi sur Voltaire. Ainsi que Madame Sans-Gêne de Christian Jaque, quand le peuple murmure à l’oreille de l’ Empereur. Tout n’est que supposition, imagination. Même la dilligence de La Nuit de Varenne (clin d’oeil à Ford) d’Ettore Scola, conduit à la fin d’un monde sans conviction. Alors on se surprend aux côtés de Gavroche ramassant les balles sur les barricades de 1830 : « Je suis tombé par terre, c’est la faute à Voltaire, le nez dans le ruisseau, c’est la faute à Rousseau… »