Le DV-2400 ressemble au matériel acheté et utilisé par Jean-Luc Godard dès 1969. Delphine et Carole utiliseront une caméra de ce type pour leurs travaux militants.
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Il faut bien commencer l’aventure. Elle débutera à la FNAC à la fin des années 60. A cette époque, le rayon photo est le fer de lance de cette entreprise qui commence à avoir pignon sur la culture. Une cliente, Carole Roussopoulos s’intéresse à un matériel rare, une caméra vidéo portable, avec son magnétoscope à bande 1 pouce. Le Portapak de Sony, Modèle DV-2400. Une révolution. L’instantané de la vision. L’indépendance du rêve. Jean-Luc Godard ne s’y est pas trompé en achetant le premier exemplaire. Carole Roussopoulos sera la seconde bénéficiaire. La caméra au poing et l’image déjà politiquement engagée. Les plans enregistrés sur leur longueur témoignent des luttes qui prennent racine dans le terreau de 1968. Le Mouvement de libération des femmes (MLF), le Mouvement lesbien et gay (le F.H.A.R.) ou aux Etats-Unis le Black Panther Party. Dans la foulée, Carole Roussopoulos partage son savoir et crée Vidéo Out, un collectif militant. Nous sommes en 1970. Carole ne reconnaîtrai pas tout de suite l’actrice qui pousse la porte de l’association en 1974 pour venir y apprendre les rudiments de la vidéo. La complicité naîtra une fois la porte fermée. Une connivence, une complémentarité entre Delphine Seyrig et la réalisatrice Carole Roussopoulos. Un même sentiment dans le partage de l’amitié. Le film de Callisto Mc Nulty nous fait voguer avec légèreté dans un espace temps dont les rives sont aujourd’hui difficilement abordables. Les images vidéo sont celles du début, brutes de qualité, brutes de témoignages. Elles osent prendre en main cet outil encore masculin. Bousculer la norme. Ouvrir la voie. Plusieurs films verront le jour, Maso et Miso vont en bateau (1976), Scrum Manifesto, la même année. Des films qui donneront naissance à un collectif vidéo féministe : Insoumuses. Clin d’œil malin. Tout est dans le jeu de mots. La blague et la bonne humeur campaient dans les locaux. Le documentaire de Callisto Mc Nulty ajuste le temps. Oui, l’humour par l’action bouscule le patriarcat. Le vent se lève alors qu’en ce milieu des années 70 on ne ressent pas encore le frisson de la tempête. L’aventure est là, parsemée d’entretiens. Carole et Delphine, Marguerite, Chantal, Simone. Regards justes et mots à la résonance contemporaine. L’énergie d’une époque oubliée qui hume les soubresauts d’aujourd’hui. On pourrait même écrire que le passé semblait beaucoup plus virulent. Filmer ce premier congrès des prostituées et leurs revendications ! Osez l’action dans l’unité. Le film de Callisto Mc Nulty restitue l’énergie de ces deux femmes à travers l’itinéraire unique d’une décennie (1970-1982). Le film devient mémoire, racine énergétique des générations nouvelles. Ne nous y trompons pas ce documentaire produit par les Films de la Butte, La Lucarne d’ARTE et le Centre audiovisuel Simone de Beauvoir, devient par son caractère historique, indispensable à la vision contemporaine des changements qui traversent notre décennie. Elle bouleverse notre mémoire. Ce documentaire joyeux et pétillant est une arme qu’il faut manier avec la précaution d’un artificier. N’hésitez pas à vous en servir. L’aventure ne serait pas complète sans les balbutiements de la vidéo portative comme moyen autonome. Le début d’un changement radical. Cours camarade, cours…