Depardieu à Cinecittà

Le Caravage aime-t-il le cinéma ?

C’était à une époque où le cinéma était encore qualifié de 7e Art. C’était une époque où la pellicule régnait sans partage. Blottie dans l’après-68 et le début de la première crise pétrolière… Tout allait bien ! Cinecittà ronronnait encore. Bernardo Bertolucci y tournait quelques scènes de 1900. Un plateau plus loin Federeco Fellini se débattait avec Casanova dont il terminait les dernières prises. Entre les deux, un comédien. Gérard Depardieu. Le roman de Jean-Max Méjean a cette idée vraisemblable (ce sont les meilleures !) : Bertolucci présente Gégé qui partageait l’écran avec Robert de Niro à Fellini. Comme souvent chez Federico un visage en dit long sur un film en devenir. Gérard Depardieu a la gueule de l’emploi et Fellini lui trouve un rôle, le peintre lombard Le Caravage. Il n’y aura pas de clap de fin pas plus que d’annonce officielle du début de tournage sur une double page du Film Français, l’hebdomadaire professionnel. Le nouveau projet de Federico Fellini sur le peintre ne se fera pas. Il se vengera sur Prova d’Orchestra. Qu’importe si cela fait rêver !  Il y a du bon dans l’espoir. L’art de Jean-Max Méjean est d’oser. Et réussir à nous faire songer que l’improbable est possible. Une rencontre entre Depardieu et Fellini ! Une rêverie romaine que l’on arpente à pas nostalgiques en tournant les pages de Depardieu à Cinecitta (hémisphères éditions) Mais n’est-ce pas le devoir de chaque auteur de savoir se fondre dans nos pensées. A quoi se résume la fabrication d’un film ? Au caprice créatif d’un maestro, à la rencontre d’une silhouette qui remplit l’écran, un lieu certainement… Rien peut-être. Un errement sûrement qui effleure sans le savoir les propos de l’auteur. L’imaginaire. Brosser dans la profondeurs du temps les improbables rencontres. Le cinéma devient littérature. Il y a comme un battement de cœur que l’on voudrait ne jamais voir s’arrêter. C’est toute la qualité de l’auteur. Ne nous interroge-t-il pas ? A quoi se résume l’imaginaire ? Celle de la création qui se perd dans les détails ? A être vraisemblable. L’itinérance ne se lit pas. Elle se vit. Le roman de Jean-Max Méjean est un parcours fléché, on ne peut pas se perdre, et même si c’était le cas, le bonheur resterait entier. Se fondre dans les films c’est un peu se laisser guider par la projection. Un ciné-roman dans lequel nombre de guest-stars font leur apparition. Quoi de plus normal à Cinecitta, territoire des grands fauves ? Mais comment l’idée de cette rencontre possible a-t-elle germée ? Le hasard n’existe pas chez le journaliste. Il y a des appels téléphoniques que l’auteur ne peut pas oublier. Celui de Federico Fellini qui le félicita pour la thèse qu’il lui avait consacrée. Le second bien plus tard, cette fois de Gérard Depardieu suite à un article. Une heure et demi d’échanges et d’écoutes. Deux appels qui nourriront le roman. Le reste est une affaire de lecture, de celle de l’intime comme lorsque l’on se retrouve face à l’écran d’un cinéma. Il suffit d’ouvrir le livre pour que le projecteur s’allume.