

James Bond est un héros emblématique. Il surfe sur le cinéma mondial depuis 1962. Un personnage qui survit plus ou moins facilement selon les productions, les comédiens qui l’incarnent et les faire-valoir à la méchanceté relative qui l’affrontent. James Bond est un cas d’école. Sa longévité régulière et voulue a provoqué quelques sueurs froides aux scénaristes. Comment trouver à chaque nouvelle production un méchant à la hauteur de ses ambitions ? C’est bien là le principe. La lutte du bien contre le mal. De l’ordre établi (l’Occident) contre le reste du monde. Une signature héritée des romans de Ian Fleming écrits à l’époque du rideau de fer. Rapidement l’auteur s’est détourné des services secrets russes le SMERSH (acronyme russe qui veut dire mort aux espions) pour la centrale terroriste SPECTRE. Le ton est donné, le super méchant Ernest Stavro Blofeld plane sur le monde bien au-delà de la guerre froide. Beaucoup plus dangereux aussi. Mabuse n’est pas loin. Un méchant intemporel et délicieusement diabolique, avec cette idée parfaitement cinématographique que le pire ennemi du monde ne peut être reconnu, même par ses sbires. Le n°1 est invincible et renaît de ses cendres comme un phénix après chaque aventure désastreuse. La réalité n’a pas beaucoup d’importance si le fourbe est à la hauteur des attentes. Le public savoure. Seuls comptent les rares moment où il apparaît, assis, protégé par une vitre fumée, un blindage d’acier, caressant avec volupté un chat blanc de sa main baguée à l’effigie d’une pieuvre (ce qui est assez cocasse lorsque l’on sait que la pieuvre est l’autre nom donné à la mafia sicilienne)… Si SPECTRE finit sa course avec Les Diamants sont éternels, il fera une apparition dans Rien que pour vos yeux, et renaîtra avec 007 SPECTRE, le 24e opus de la collection, en attendant la sortie de Mourir peut attendre. Un titre en forme de faire-part. Film que l’on n’en finit pas d’attendre… La particularité de 007 SPECTRE reste la fin, filmée dans la noirceur d’un polar : l’arrestation de Ernest Stavro Blofeld (unique dans la série). L’ennemi personnel de Bond aux mains du M.6. On imagine donc une suite et fin (presque) définitive avec le 25e film qui verra également Daniel Graig rendre son tablier d’espion de sa Majesté. 007 change de tête mais les méchants s’arc-boutent à la hauteur de leurs terrifiants projets. Le panthéon est à la hauteur du succès. Reconnaissons tout de même que tous ne sont pas à la hauteur du venin qu’ils prétendent déverser sur le monde… A ce jeu, chacun y va de son pronostic. Le catalogue proposé est suffisamment étoffé pour que les aficionados y trouvent leurs petits bonheurs pervers. Sans méchant, le héros ferait pâle figure. D’ailleurs existerait-il ? Jeu de miroir pour le héros. Plusieurs fois Bond aura en face de lui un double, un frère d’arme : Alec Trevelyan (006) dans GoldenEye ou Raoul Silva (un des meilleurs méchants) dans Skyfall. La modernité du monde colle à la peau des salauds alors que les héros restent ancrés dans leur immobilisme. Comment Bond peut-il s’adapter alors qu’aux yeux de beaucoup, sa hiérarchie en tête, il est devenu un dinosaure, un boulet pour les institutions ? Et comme toute espèce en voie de disparition, 007, l’animal au sang froid ne survit qu’à l’instinct. Un animal primitif que recèle parfaitement le chapitre Daniel Graig. Cinq films pour rejoindre la légende : Sean Connery, l’image de marque de James Bond. L’originel puisque l’on ne compte pas l’adaptation de Casino Royale, la dramatique télé diffusée en direct en 1953. Dr No (1962) sera le premier de la longue liste. Un coup d’essai qui deviendra un coup de maître avec l’adaptation de Bons baisers de Russie et de la vénéneuse Rosa Klebb agent double SMERSH/SPECTRE. Emilio Largo le milliardaire, n°2 de l’organisation terroriste, a l’initiative du vol de deux bombes nucléaires dans Opération Tonnerre. Il y a chez beaucoup de fans de la première heure la nostalgie de la découverte du premier « vrai méchant » de la série, Goldfinger, soutenu par la chanson du générique interprétée par Shirley Bassey. Si les adversaires de Bond n’ont pas tous la pointure de Goldfinger, il faut reconnaître malgré tout que les stars vont se bousculer pour jouer avec un plaisir certain ces vilains qui veulent la peau de James. Christopher Lee sera un merveilleux tueur à gages, raffiné et morbide en endossant le rôle de Francisco Scaramanga, L’Homme au pistolet d’or. Nous passerons sous silence quelques méchants qui ne sont pas à la hauteur, pour nous focaliser sur Grace Jones, la panthère noire. La garde du corps de Max Zorin dans Dangereusement Vôtre. Dévouée jusqu’à la mort. Autre personnage féminin : Electra King. Sophie Marceau offre au personnage une épaisseur psychologique qui passe par tous les prismes de l’ambivalence de la nature humaine… Effectivement, Le Monde ne suffit pas pour Electra et Bond, ces deux êtres qui s’aiment si étrangement. Mathieu Amalric en interprétant Dominic Greene dans Quantum of Solace rejoint sa compatriote dans l’appropriation complexe du personnage. Le machiavélisme est au rendez-vous, rien n’est simple, le gris devient la couleur du bien et du mal. Chacun s’appropriant le territoire flou qui lui convient même si les méchants sont tous logés à la même enseigne : disparaître à la fin de l’aventure. Tous ? Non ! La résistance du SPECTRE est à la hauteur d’une volonté, celle d’une confrontation sans fin avec 007. Que le spectacle continue.