Je veux des aventures, des accidents...
La vie, cette vieille dame trop sage ne s’attendait pas à cela. Être bousculée dans le début des années 30 par une étoile filante. Un déplacement d’air de la puissance d’une météorite. Hollywood dans sa première décennie du parlant se voulait rassurant. Le choc encore bien présent de la crise économique n’empêchait pas de remettre sur les rails une industrie pourtant montrée du doigt pour ses fêtes babyloniennes. La file d’attente de « la soupe populaire » n’en finissait pas de finir alors qu’Hollywood se réfugiait entre les murs des studios à l’abri des regards. Insuffisantes protections. Le code Hayes s’abattit comme une chape de plomb sur l’usine à rêve, imposant une censure qui dura plusieurs décennies. C’est dans ce contexte où les patrons de studios et les réalisateurs jouaient au chat et à la souris avec le sénateur William Hays qui donna son nom au fameux code qu’Elissa Landi poussa la porte des studios. Aristocrate effrontée dont la mère Karoline a toujours prétendu être la fille cachée de l’impératrice Sissi. La fascination est là. Dans le « on dit ». On y inscrit la légende. C’est toute la démarche de Nelly Alard dans son ouvrage La vie que tu t’étais imaginée (Folio) consacré à l’actrice. Avec ce tutoiement de la copine complice. Que cache-t-il sinon un partage, un secret que l’on devinera entre les pages ? Les choses de la vie s’inscrivent entre les trois femmes. Une complicité de l’écriture. Une aventure décrite avec souplesse par Nelly Alard au profit de cet amour fusionnel entre une mère et sa fille. Hollywood ne retiendra que le regard déterminé d’Elissa Landi et sa silhouette héritée du travail rigoureux de Séraphine Astaflava du ballet impérial russe. Le cinéma deviendra l’essence de sa détermination. Elle ne s’appropria que les rôles correspondant à sa personnalité. Farouche, elle restera. Aristocrate sur le plateau, parlant français, italien, allemand et anglais à la perfection, tout un monde. L’éducation n’était pas celle d’une saltimbanque, mais elle s’en accommodait avec aisance. Elissa Landi rayonnait. Combien de réalisateurs ont réussi à percer le mystère de ce regard ? Cecil B. DeMille, Maurice Tourneur, W.S Van Dyke, Raoul Walsh ? D’autres encore. On n’en sera pas plus.Sa carrière fulgurante s’arrêta après 35 films et dix ans aux services des studios. Il faut tourner les pages de cette biographie pour comprendre qu’Elissa Landi ne se limitait pas à vivre en représentation. Les mots étaient son autre point fort. Courant de la poésie au conte. Mais aussi le roman. Une aventure intense que le verbe ne laissait pas indifférent. Tout est toujours trop court. Sa carrière qui brilla que le temps de quelques films, son rôle de mère que la maladie emporta à 44 ans et enfin l’embryon littéraire trop vite interrompu… L’ouvrage de Nelly Alard est une plongée en quatrième vitesse dans une vie sans étape. Elle offre une vision d’un monde aujourd’hui disparu. Celui entre autre d’un cinéma qui collait aux rêves des spectateurs. Ce livre anthropologique colle au rêve d’une jeune femme qui croyait être la descendante de Sissi l’Impératrice. Il ne faut briser pas les rêves. Ils peuvent encore servir.