OSS 117 se déchaîne d’André Hunebelle (1962) avec Kerwin Mathews dans le rôle du super agent secret
Il faut bien le reconnaître, même si il y a dans l’écriture de Jean Bruce un je ne sais quoi qui fleure bon les trente glorieuses (un paradis perdu ?) il n’en demeure pas moins que son personnage n’a jamais été au-delà des rayons à tourniquets des librairies de gares. OSS 117 est antérieur au personnage de Ian Fleming et de John Le Carré. Hubert Bonisseur de La Bath né en 1949 aux éditions Fleuve Noir (la même année que San Antonio) d’un père résistant qui participe à la libération de Lyon en 1944 en compagnie d’un officier de l’OSS dont le matricule était 117. Il n’en faut pas plus pour écrire le début de la légende dans un roman Tu parles d’une Ingénue inspiré par l’auteur Peter Cheyney. Les dés sont jetés : OSS 117 sera un agent américain et caracolera en tête des ventes au Fleuve Noir puis aux éditions Les Presses de la Cité. Les codes collent à l’époque de la Guerre froide qui offre alors un jeu politique volontairement trouble. La déstabilisation se fait au fil des pages, des romans qui vont au-delà de la simple distraction. L’imaginaire devient une étude stratégique entre deux blocs. Même si la plume de Jean Bruce est du côté de l’Ouest, il n’en oublie pas la psychologie du camp d’en face. Rien n’est simple et tous les coups sont permis ! Alors pourquoi cela n’a pas fonctionné ? Qu’est-ce qui a dérapé ? Premier sur la ligne de départ Jean Bruce n’a pas su voir dans le rétroviseur (ce qui serait étonnant) le personnage de Ian Fleming, ni même l’univers d’un John Le Carré. Peut-être aveuglé par le succès toujours grandissant des aventures d’OSS 117 (plusieurs millions d’exemplaires vendus) a-t-il oublié une étape ! Le cinéma. Pourtant le premier film, OSS 117 se déchaîne d’André Hunebelle avec Kerwin Mathews, sort en 1962, la même année que James Bond contre Dr No de Terence Young avec Sean Connery. Il n’y aura pas beaucoup de suspense malgré l’excellent score en salles du OSS. La différence d’échelle se fait rapidement sentir et les changement d’acteurs au fil des quelques réalisations (Frédérick Stafford puis John Gavin) n’y feront rien alors même que le film d’espionnage devient un genre à part entière. Viendront ensuite un film de Pierre Kalfon, OSS 117 prend des vacances (1969), avec Luc Merenda dans la peau de l’espion et une adaptation pour la télévision en 1971, OSS tue le taon, réalisée par André Leroux avec Alan Scott. Cette courte filmographie en dit long alors que le potentiel était là sans avoir à rougir ni de la confrontation ni de la comparaison avec le héros de Ian Fleming. Mais comment lutter quand en 1965 sort sur les écrans L’Espion qui venait du Froid écrit par John Le Carré et réalisé par Martin Ritt avec Richard Burton alors que quelques mois plutôt triomphait déjà Goldfinger sur les écrans. Pris en sandwich Furia à Bahia ne faisait pas le poids. Jean Bruce tué dans un accident de voiture un an plus tôt n’était plus là pour sauvegarder l’éthique de son fougueux personnage. Si OSS 117 n’a pas fait les beaux jours du cinéma français, les romans eux sous la houlette de Josette Bruce, la femme de Jean puis de Martine et François Bruce, leurs enfants trouvent leurs lecteurs. On notera aussi une incursion dans la BD (petits formats), à la radio dans plusieurs pièces radiophoniques et sur les planches. Il faudra attendre le dépoussiérage et l’humour décalé de son interprète Jean Dujardin pour redonner vie à l’agent secret. Il devient l’as des services secrets français. Il quitte définitivement l’Oncle Sam pour épouser Marianne. Une façon délirante de traverser les années 50, 60 et pour le troisième opus les années Giscard… Le duo Dujardin/ Hazanavicius revisite dans les deux premiers films OSS 117 Le Caire nid d’espions et OSS 117 Rio ne répond plus en décapant – sans modération – l’image du héros. Le succès est au rendez-vous. Comme quoi le second degré peut sauver un héros. Beaucoup d’eau est passée sous les ponts de Seine avant que Jean Dujardin s’empare à nouveau du rôle d’Hubert Bonisseur de La Bath. Un troisième opus qui a eu du mal à voir le jour. La réticence de Michel Hazanavicius et le déclic qui ne se fera pas. Il faudra attendre Nicolas Bedos pour que OSS 117 Alerte rouge en Afrique Noire soit sur les rails pour une entrée en cinéma (si tout va bien) le 14 avril 2021. Nous pouvons déjà imaginer les grincements de dents (Tintin au Congo, n’est jamais loin) lorsque l’on sait avec quelle ironie l’approche politique des deux premiers volets a été abordée. Réjouissons-nous de cette grande attente !