En Nous

Entretien avec Régis Sauder réalisateur du film En Nous (sur les écrans le 23 mars)  au Saint-André des Arts (Paris)

EN NOUS. Il n’y a pas plus concret que les chimères. Mais il faut être réaliste. Avoir les pieds sur terre et regarder devant. Cela s’appelle l’avenir. Il n’est pas le même pour tout le monde et pourtant il le devrait,  puisque notre pays partage son gâteau républicain en trois parts que l’on croit égales. LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ. Mais voilà cette devise citoyenne ne semble pas avoir la même saveur selon le quartier de Marseille où l’on habite. Avec son film En Nous, le réalisateur Régis Sauder est venu poser sa caméra à Marseille une décennie après avoir réalisé Nous Princesses de Clèves (2011). Film tourné après que le candidat à la présidence de la République, Nicolas Sarkozy, en 2007 avait considéré que le roman de Madame de La Lafayette ne pouvait pas intéresser une “guichetière”. Le mépris de classe claqua avec violence. Emmanuelle, professeure de français releva le gant avec sa classe devant la caméra de Régis Sauder. Le documentaire fera date. Dix ans ont passé depuis Nous Princesses de Clèves. Que sont devenus.es Anaïs, Virginie, Armelle, Cadiatou, Laura, Morgane, Albert, Abou, Aurore, Sarah, et leur prof Emmanuelle qui a toujours officié en zones que l’on appelait d’éducation prioritaire, dans les quartiers Nord de Marseille ? Régis Sauder a retrouvé les protagonistes dispersés.es de son film. Aujourd’hui, le doute s’entend, en voix off. Fatiguée. Pas sûr qu’Emmanuelle aille au bout du chemin… Chemin que ses élèves ont balisé de leurs espérances mais aussi de leurs échecs endossant l’inégalité géographique représentée. Et pourtant, ils et elles retroussent leurs manches en essayant de garder la tête au-dessus de l’eau. Le doute reste palpable. Et les intervenants.es de se poser cette satanée question “Et si j’étais né.e ailleurs ? Loin des barres d’immeubles ? Mon avenir aurait-il été différent ?” Oui, naturellement… Avoir un père pharmacien est plus facile pour faire ses études de pharmacie, pense Laura qui est aujourd’hui pharmacienne dans un grand hôpital de Marseille. Cadiatou a fui Marseille pour Paris, trop libre pour accepter les pressions. Son corps devient expression et elle veut monter sa propre entreprise…  Abou vit aujourd’hui en Suisse, il est devenu infirmier après avoir échoué en médecine… On ne peut s’empêcher de penser à ses itinéraires chaotiques et mal fléchés. Albert qui n’est pas “monté” à Paris rejoindre ce garçon qu’il aimait. Il est resté proche de sa mère et il est devenu moniteur d’auto école… Sarah qui a bourlingué après son échec au bac. La survie passe par les langues étrangères et les petits boulots qui la mèneront du Portugal à Malte. Une survie chaotique et sans protection sociale. Les héros et héroïnes de ce film sont extraordinaires. La caméra de Régis Sauder, tout en respect, filme les failles et les espoirs, les interrogations que ces jeunes adultes sont en droit de se poser devant le mot ÉGALITÉ. Écoutez et regardez Anaïs, Virginie, Armelle, Morgane, Aurore pour comprendre qu’ils et elles sont tous-tes les couleurs de notre pays.