En quatrième vitesse

Steve MacQueen lisant un album de Michel Vaillant au côté de  Jean Greton

L’expressionnisme cinématographique de Jean Graton

Le cinéma aime la vitesse et la bande dessinée. Pourquoi nous priver d’un coup d’accélérateur ? Un virage et Jean Graton (1923-2021) emprunte une dernière fois la ligne droite des Hunaudières du Mans. Le créateur de Michel Vaillant et de ses aventures comme coureur automobile vient de disparaître à 97 ans. Il laisse le bitume orphelin. Il avait fait ses classes dans le journal Spirou avant de rejoindre l’équipe d’Hergé et l’hebdomadaire Tintin. En 1957, naquit Michel Vaillant. En 1959, sortit le premier album Le Grand Défi, tout est dans le titre. 70 albums plus tard les portes de l’entreprise Vaillant se sont refermées. Jean Graton était un auteur consciencieux, se nourrissant d’une imposante documentation. Sur les circuits qu’il fréquenta assidûment il se liait volontiers d’amitié avec les pilotes qu’il croquera tout au long des albums. Un jeu de piste pour les fans ! Il a été l’ami de plusieurs chefs d’écuries et côtoya régulièrement les directeurs de circuits. Ce souci du détail, de la vraisemblance, fera de Michel Vaillant une série respectée par tous les amoureux du sport auto, inspirant même ses amis Goscinny et Uderzo dans l’album Astérix et La Serpe d’Or. Comme souvent, la télévision d’abord, le cinéma ensuite ne pouvaient pas passer à coté du travail de Jean Graton dont ils ont usé du sens du mouvement, du découpage et de la narration. Comment ne pas avoir le pied au plancher ? Reconnaissons que le mérite de l’adaptation n’est pas forcément à la hauteur de l’attente des spectateurs. L’important est que cela existe. Une empreinte. On ne le répètera jamais assez, le 9e Art n’est pas un story-board mais bien une œuvre entière. C’est la télévision qui s’y colle avec une série de 13 épisodes de 26 minutes en 1967. Yves Brainville, champion de France de Formule 3 en 1964 endosse le rôle titre. L’intérêt documentaire du feuilleton est d’avoir tourné et intégré de véritables compétitions et d’y croiser les grands noms de l’époque comme Jacky Icks, Jean-Pierre Beltoise ou Henri Pescarolo. Il n’y aura pas de seconde saison. Il faudra attendre 1991 pour que débarque la série d’animation franco-américaine inspirée librement des albums de Jean Graton. 65 épisodes de 26 minutes. Elle fera un carton en vente VHS (900 000 unités). Pour le cinéma, on attendait de Luc Besson (fan inconditionnel) une adaptation à la hauteur des moyens investis. Beaucoup sont restés sur leur faim. Faut-il faire un pas de côté comme Spielberg dans sa libre adaptation de Tintin avec Les Aventuriers de l’arche perdue ? Pour comprendre véritablement l’univers de Michel Vaillant, il faut se tourner vers Steve McQueen qui demanda au réalisateur Lee H. Katzin de poser sa caméra sur le circuit des 24h du mans pour y filmer la plus grande aventure mécanique du monde. L’intrépidité de la star (il courra incognito au volant d’une Porsche 917, numéro 48) rejoignant la prouesse de Paul Newman, une autre légende du circuit. L’âme de Michel Vaillant flirte avec l’aisance de Steve MacQueen. Est-ce un hasard s’ils se sont rencontrés au Mans ? Gardons pour nous cette image.  Imaginons…