Il était une fois un cinéma oublié. Celui du début des années 70. On ne parle pas ici du Cercle rouge de Melville, des Choses de la vie de Sautet, de L’Amour l’après-midi de Rohmer, de Domicile Conjugal de Truffaut… Non ! Ce cinéma, tout cinéphile aguerri le connaît. On vous parle d’un cinéma qui se logeait dans des salles dont la seule attractivité était le prix et le double programme. Salles disparues depuis longtemps avec ces films difficilement visibles aujourd’hui même sur VHS. Tout comme les itinéraires, le cinéma Bis a ses chemins détournés qui peuvent mener à quelques pépites. L’éditeur Robert de Laroche (La Tour Verte) nous ouvre sa mémoire et nous présente un livre Michel Lemoine, Gentleman de l’Étrange écrit par Lucas Balbo et Edgard Baltzer. Scénariste, réalisateur, comédien, Michel Lemoine a commencé sa carrière en compagnie d’Edwige Feuillère pour la poursuivre avec Sacha Guitry, sans oublier le duo Poiret/Serrault, Darry Cowl, Suzanne Flon. Arrêtons-là, le générique déjà bien fourni pour s’intéresser à sa seconde partie, sa seconde carrière. Il devient producteur et s’offre un virage à 360°. Comment l’écrire autrement ? L’aventure du cinéma Bis est là, avec sa femme qui y jouera un rôle non négligeable : Jeannine Raynaud, ancien mannequin vedette chez Patou. Le cinéma se nourrit de l’aventure personnelle de ceux qui le font. En ce début des années 70 fleurissent nombre de films à budget restreint. La démerde est au bout de la pellicule. Et Michel Lemoine ose franchir le pas. Il ne sera pas le seul. Mais il reste ce cinéaste qui n’oubliera jamais qu’un film ce construit sur un scénario, et pas seulement une suite de plans. Un cinéma Bis qui lorgne vers l’horreur et la pornographie (soft). Il ose cette liberté d’auteur, libertaire diront certains, puisée dans l’après-68 et avant les années sida. Le porno deviendra langage. Si le film le plus connu de Michel Lemoine est Les Weeks-ends maléfiques du comte Zaroff (qui vient de ressortir en Blue Ray chez Le Chat qui fume) longtemps interdit par la censure, il reste Les Désaxées, les Chiennes, Les Confidences érotiques d’un lit trop accueillant… Qu’il ne faut pas oublier. Lemoine se lovera aussi dans les films des autres, comme Je suis une nymphomane de Max Pécas, L’Amour aux trousses de Jean-Marie Pallardy, pour les plus connus. L’imaginaire, comme souvent, est aussi dans le titre. L’ouvrage de Lucas Balbo et Edgard Baltzer mérite le détour. Ils dévoilent les vestiges d’un passé enfoui. Ils ont réussi, tels des archéologues, à défricher les mémoires d’un cinéma aujourd’hui disparu.