Le temps de l'immortalité
Geneviève Winter, auteure d’une biographie de Gérard Philipe (Folio Biographies) pointe du doigt des souvenirs enfouis qui à l’écoute de la voix du comédien, d’une photo, d’un regard figé, d’un sourire malin ravivent les oublis. Chacun alors se remémore son premier rendez-vous secret avec cet acteur qui enflamma l’après-guerre avec sa gueule d’amour et son romantisme noir et blanc. La mémoire a du bon, elle s’inscrit dans les livres et se confond avec les souvenirs. Assis sur les sièges du TNP, au Palais des papes pendant le festival d’Avignon ou dans une de ces nombreuses salles de cinéma que l’on qualifiait de populaires, les spectateurs présents s’enthousiasmaient pour un Fanfan la Tulipe à l’espièglerie contagieuse. Il y avait comme une fièvre du renouveau qui n’en finissait pas. Balayer les années de guerre et reconstruire. L’œuvre devait être sociale et culturelle. L’homme, l’artiste, socialement à gauche avait envie d’offrir au plus grand nombre les honneurs du théâtre. Un partage multiple à égale importance, Jean Vilar et le Théâtre national populaire, les planches du Festival d’Avignon dont il devint le Prince, c’est le cinéma qui servira de moteur. Près de 50 films en quinze ans. Il est le renouveau d’un cinéma dont les jeunes premiers de l’après-guerre avaient l’âge de vieux beaux dans lesquels la jeune génération ne s’identifiait pas. Gérard fut le premier à offrir son âge à une génération qui se reconnut en lui. Gérard Philipe (1922-1959) est avant tout une figure majeure des arts de la scène. C’est Marc Allégret dirigeant un cours d’art dramatique qui mettra le pied à l’étrier au jeune prodige. Nous sommes en 1941 à Nice. Il rentrera au Conservatoire de Paris en 1944 et participera comme volontaire à la Libération de Paris, alors que son père Marcel Philip est arrêté pour fait de collaboration. Le passé restera dans les limbes des non-dits. Quatorze ans pour devenir ce qu’il sait déjà, un artiste adulé. L’ouvrage de Geneviève Winter foisonne de ces petites choses qui semblent hors du temps et qui vous construisent une légende. Les pages tournées sont autant de pièces qui ajusteront le puzzle d’une existence. La personnalité de celui qui deviendra Gérard Philipe en 1943, nom de scène qu’il endossera définitivement. A découvrir pour le plaisir de lire mais aussi de chercher à voir où revoir ses films voire, plus rares, les captation des pièces réalisées à l’époque de la télévision en noir et blanc, avec une seule chaîne !