Gommez-moi cet amendement

Compagnon avec Serge Poljinsky et de Yann Le Masson des films du Grain de sable, Jean-Michel Carré revient sur la genèse d’un film phare du début des années 80. REGARDE : ELLE A LES YEUX GRAND OUVERTS de Yann Le Masson. Film « Lumière » sur le combat des femmes au droit à l’avortement. Film d’importance face à l’obscurantisme de tous poils qui pointent à nouveau leurs nez.

Entretien Jean-Michel Carré à propose du film REGARDE : ELLE A LES YEUX GRAND OUVERTS de Yann le Masson (1930-2012)

VENDREDI NOIR

Les Etats-Unis ont enterré, vendredi 24 juin , l’arrêt Roe vs Wade qui garantissait , depuis 1973 le droit des Américaines à avorter. Si la nouvelle décision ne rend pas les interruptions de grossesse illégales, elle renvoie le pays à la situation en vigueur avant le décret : chaque État étant libre d’autoriser ou non l’avortement. Déjà plus d’une douzaine d’États appliqueront à la lettre l’ordonnance. Une juriste prudence qui pourrait donner du grain à moudre à nombres de mouvements aux idées rétrogrades, aux valeurs étriquées, à l’intégrisme de tous poil. la France est loin d’être à l’abri d’un retour de manivelle. Gardons en mémoire, qu’aucune « liberté » gagnée sur l’obscurantisme est gravée définitivement dans le marbre. Il suffit de quelques Dalton aussi bête qu’un Averell, le plus idiot des frères, pour s’arroger le droit suprême. Balayer la décision d’un revers de main vengeur. Le ver est dans le fruit et dans les têtes. La mesquinerie religieuse et le sectarisme ambiant n’en ont pas fini de détricoter les acquis communs. Soyons vigilant et sans merci envers les bondieuseries de tous poils. L’aventure a existé, un film relate ce bonheur.  Regarde : elle a les yeux grand ouverts (1980), le film de Yann Le Masson, co-fondateur des films du Grain de Sable avec Jean-Michel Carré et Serge Poljinsky, a signé un film volontaire et courageux, engagé. Politiquement ambitieux, militant. Déroutant sur la durée de réalisation (espacée sur 7 ans de tournage) Il y a des films, qui font partis d’une mémoire encore visible, même si l’iceberg fond au fils des années : celle de Mai 68. Une planète fourmillant d’idées révélatrices du monde d’après : « Cours, camarade, cours, le vieux monde est derrière toi ! » Ce n’était pas tout à fait faut. Même si il nous rattrape dans la réaction. De cette alchimie libertaire sortira des mouvement sur la durée, le mouvements écologistes avec la première revue La Gueule Ouverte créée Fournier,  le FHAR ( Front homosexuel d’action révolutionnaire), le MLF (Mouvement de libération des femmes), quelques Justes qui refusaient de voir leurs avenirs se scléroser. Le Film du réalisateur Yann le Masson (1930-2012) reste pour ceux qui l’ont vu, une aventure visuelle et sociale. Plus même. Un film a ne pas  épingler comme un trophée oublié. Ce fameux film de plus que l’on a vu, et qui au bout de cinq minutes s’est évaporé. C’est le contraire ici. Yann le Masson impose son rythme, rythme social et de bienveillance. Une harmonie qui fait du bien. Aujourd’hui encore il imprime la conscience. Cette conscience politique appris à plusieurs. Il suffit de voir un enfant naitre pour comprendre. REGARDE : ELLE A LES YEUX GRAND OUVERTS. Ouvert sur le monde ! Réalisé avec le MLF et le Mlac (Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception) ce film qui ne traite pas seulement de la liberté d’avorté mais aussi celui d’accoucher chez soi en toute sérénité, aidé de ses proches, sous l’œil d’un professionnel. Un film humain teinté d’un espoir que l’on aurait pu croire à l’infini. Un film qui fait encore écho. Les vibrations citoyennes sont encore là, dans le collectif, à l’image. Quelque part  dans nos mémoires, en résistance face à la gangrène qui ronge tous les jours un peu plus cette citoyenneté ouverte.