TERRE MAGNÉTIQUE
Il faut parfois peu de chose. Un plan, un regard, le décor d’un autre âge, un loup. Une forêt et un village. Il serait trop simple de dire que le temps, ici, a posé ses valises. Non, naturellement. Dans cette vallée, le temps vit au rythme des hommes, il les écoute, ne les précède pas. Ailleurs, il en est autrement, c’est autre chose. Ce sont des « horsains », et ils ne peuvent pas comprendre. Sinon avec un sourire entendu. Pourtant, il suffit juste de faire attention, « le naturel » du lieu peut s’avérer autre. Ancestral. Nous y reviendrons avec l’entretien du réalisateur Lucas Delangle. Le film est une découverte qui peut prêter à sourire chez les urbains. Ils auraient tort. Cette France que l’on nous décrit dans sa complexité existe bel et bien. Loin des clichés, loin du « bon paysan » comme d’autres écriraient « bon sauvage ». Nous sommes dans les contreforts de la vallée de l’Issole et du Verdon. Gisèle, vieille femme au regard malicieux, est une magnétiseuse-guérisseuse. Grand-mère de Jacky Caillou, jeune solitaire et chasseur de son – Mais est-ce cela qu’il cherche vraiment ? – comme pour mieux capter les fantômes qui le hantent. Il a en héritage ce don de magnétiseur qu’il refuse d’admettre. Le doute alors s’installe. Pas besoin de mot, il suffit du regard de la grand-mère pour que nous, spectateurs, comprenions la transmission de l’héritage. Le monde secret des guérisseurs ne s’invente pas, il se perçoit. Et l’arrivée de cette jeune patiente accompagnée de son père sceptique devant cette force invisible. » Ne pas croire à l’acte empêche le processus de s’enclencher« . La mort de Gisèle laisse Jacky orphelin dans son apprentissage. Se construire dans la solitude, comprendre l’importance énergétique des arbres, gérer son magnétisme et revoir cette jeune femme qu’il faut absolument guérir. Une tache dans le dos à la hauteur de l’omoplate qui un temps s’était résorbée. La hantise du loup, des bêtes dévorées, d’un enfant que la mort invite à le suivre. La force du film est dans la non-magie des faits. D’ailleurs quoi de plus normal que de sentir la chaleur énergétique des mains à quelques centimètres de la peau pour soulager, voire guérir. Il n’y a pas d’opposition entre les médecines, elles sont ici au même rang. Même si la magie de la forêt peut déconcerter. L’inconnu fait peur, même aux villageois. Peuvent-ils comprendre « l’incompréhensible » ? L’enjeu est là. Et Lucas Delangle démontre parfaitement dans la simplicité de ses plans, toute la complexité du relationnel qui peut exister entre les villageois, Jacky et la louve. Jacky Caillou n’est pas un film fantastique, pas plus qu’il n’a la couleur de la Hammer. C’est un film de terrain, ancré dans l’histoire ancestrale des campagnes. Ne souriez pas citadins, le film ne vous laissera certainement pas indifférents. Jacky Caillou a été réalisé pour cela.