Un monde sans Arlequin
La vie se fige dans la grimace d’un masque de comédie. La farce pourrait être en représentation sur les tréteaux mais personne ne rit de la situation. Elle n’a rien de comique malgré l’enseigne : La Comédie italienne, le théâtre de la rue de la Gaieté dans le 14e arrondissement de Paris est en survie malgré un soutien de plus de 25 000 signatures d’anonymes et de personnalités du spectacle unis dans une même fraternité du lieu. Oasis où l’on a pu croiser Ingrid Bergman. Marcello Mastroinni y est venu faire une sieste dans la cour intérieure de l’établissement. Un temps en apesanteur.
Théâtre unique à Paris qui consacre sa scène à la seule comédie dell’arte et dont la façade reconnaissable entre toutes offre à la rue des théâtres de Montparnasse cette singularité italienne, reconnue sur tous les dépliants du monde. Il suffit d’un ravalement pour mettre le quartier en ébullition. La façade du théâtre risque de disparaître sous un tsunami ripoliné. L’effacement de la mémoire visuelle comme seule reconnaissance du travail accompli. Attilio Maggiulli, le directeur des lieux et sa femme, la comédienne Hélène Lestrade ont retroussé leurs manches, téléphoné, poussé les portes des instances que l’on voudrait impartiales et qui semblent être au mieux compatissantes au pire complices des colocataires du 17 rue de la Gaieté. Nexity, gestionnaire de l’immeuble, doit procéder au ravalement, une mise aux normes approuvée par l’assemblée des copropriétaires. Il y a quelque chose d’étrange dans cette détermination. Depuis 1993, date de la création de la façade, les propriétaires d’alors ne s’étaient pas levés – élevés d’un bloc contre le projet pictural du théâtre. Alors ? Une bienveillance de l’époque qui fut récompensée dans les multiples publications où figure l’emblématique façade. Un lieu unique qui aujourd’hui empêche le 17 de la rue de la Gaïté de dormir sur ses deux oreilles. Ôtez-moi de la façade cette originalité. Nous retrouvons ici les même tics qu’à la campagne avec ces néo-ruraux hurlant contre le chant du coq ou la cloche de l’église. Il y a dans cette détermination à gommer le pittoresque comme l’imposition d’une triste normalité. Celle d’un monde aseptisé. Tout le contraire de la Commedia dell’Arte. Ohé les Arlequin, Pantalon, Colombine, Isabella, Scaramouche, Polichinelle et autres fantômes des fêtes populaires italiennes du XVIe siècle, munissez-vous de vos mots les plus fous, du burlesque des tréteaux, gourdins et autres moqueries. Montrez aux disgracieux qu’il est triste de croire que l’uniformité de la vie est l’avenir de la cité.
Pour soutenir La Comédie Italienne il suffit de cliquer et de poster un message de soutien. Vous pouvez aussi découvrir leur nouveau spectacle Et Vive la Commedia Dell’Arte. Un voyage dans l’univers de style théâtral né en Italie au XVIe siècle. Mercredi, jeudi, vendredi, samedi à 19h. Réservation au 01 43 21 22 22 du mardi au samedi de 13h à 19h.