La mesure des choses

LE TEMPS DES DIEUX

Le temps des mythologies accoste sur nos rives, réveillant la sagesse des Dieux endormis. Réveillez-nous l’Olympe ! Les hommes sont devenus impuissants à se raisonner. Le labyrinthe les enferme dans leurs certitudes acquises. Celles d’être dans le refus. La négation faisant foi. Le suicide comme seul espoir au profit de la vanité économique. Le réalisateur Patric Jean convoque dans son dernier film, La mesure des choses, un père et son fils. Le premier est architecte et s’appelle Dédale. Il est à l’origine du labyrinthe du Minotaure (une commande de Zeus, peut-être ?). Son fils Icare, lui, veut se rapprocher des étoiles et apprendre à voler. Quels conseils un père peut-il donner à son fils avant son envol ? Nous y voilà. La sagesse de l’Olympe appelle à la réflexion les mortels enfermés dans leur propre certitude et dans le refus de chercher une autre porte de sortie. Le réalisateur nous offre un dialogue imaginaire entre Dédale et Icare, une métaphore qui résonne de façon étrangement contemporaine. Comment ne pas se brûler les ailes au soleil ? Trouver le bon angle, la bonne vitesse pour ne pas tomber. L’équilibre comme sagesse de vie. Une simple question et le film devient politique. Dans le sens noble du terme, offrant à l’agora les moyens de débattre sans ces petites phrases composées par les conseillers. Ici le verbe est en bouche.  Jacques Gamblin n’est pas étranger à la justesse des mots. Au poids qu’ils représentent. Aux silences qui nourrissent les images. Patric Jean nous propose un essai cinématographique. Ce n’est donc pas un hasard si le réalisateur a croisé le chemin du philosophe Edouard Delruelle. Ensemble, ils ont participé à l’écriture du film. Pas un hasard non plus, ces échanges entre le réalisateur et le plasticien Didier Mathieu compagnon de route de Patric Jean. Les sillons maritimes sont tracés au pinceau fin sur la toile, on devine l’horizon stylisé. Voire minimaliste. Qu’importe le trait puisque mer et ciel se fondent ! Ne s’agit-il pas de la Méditerranée, sur laquelle voguent les fantômes d’Ulysse et de ses compagnons ? D’autres Ulysse essaient de la traverser. Éole n’est pas toujours du côté des héros. Le film est une œuvre picturale dans l’interprétation des images, dans leur juxtaposition et la narration qu’elles organisent. On pense principalement à Chris Marker. L’art du montage est un engagement que maîtrise Patric Jean. Philosophe, journaliste et documentariste, c’est un ajusteur de la vie. Son film en est un parfait exemple. Il faut le découvrir. Le voyage est là toute voile dehors cheminant au détour des interrogations comme autant de récifs à questionner. Les réponses sont là ! A vous de questionner le Sphinx.