La métaphysique du berger

Courez vite voici les premières salles qui accueilleront le film 
 
 Brest Les Studios 
 Rennes l’Arvor
 Quimper Katorza 
 Paris l’Entrepôt 
 Paris Le Luminor 
 Lorient Cinéville
 Auray Ti Hanok
 Guingamp Les Korrigans 
 Saint Malo Ciné Vauban 
 Vannes La Garenne 
On aurait pu titrer l’article “Pieds nus sur la Terre Sacrée“, en résonance avec l’ouvrage de T.C. McLuhan. Il y a de cela dans la résistance pacifique de Boris, berger et philosophe, marié, un enfant. La caméra de Michaël Bernadat nous fait oublier le cinéma pour les grands espaces et il n’en manque pas. Elle capte le temps, les silences, la dure beauté de la Drôme et la rudesse des plateaux du Vercors. Comment ne pas penser à John Ford dans ce vagabondage ? Une  longue marche. Une errance de la pensée qui aère notre confinement. Berger et éleveur de chevaux, loin des hommes mais proche de leurs préoccupations. Boris débroussaille les chemins oubliés. Il s’interroge, nous interpelle avec justesse. Le doute n’est jamais loin. Penser “paysan” au XXIe siècle ? Quel type de paysan ? Celui des montagnes, de la solitude, du retrait  monastique. Une confrontation avec soi-même ? Un idéal de vie ? Voilà un film qui n’est pas pétri de certitude. Comme toute quête, l’interrogation pèse lourd au fond de la besace. Boris défriche du haut du Glandasse la vie solitaire, certains diront sauvage, brut de vie en tout cas. C’est-à-dire sans artifice, dans la survie que certains militants de la cause animale verront d’un mauvais œil. Mais les gestes sont là, ancestraux, en héritage. Il suffit (mais rien n’est simple) de remettre sa vie à la bonne place, d’accepter les contradictions de l’impossible autonomie avec l’arrivée d’un enfant.. On pourrait croire que le film se termine ainsi, comme une remise en place sécurisante du berger égaré au sein d’une famille créée. C’est tout le contraire. Voir plus loin que les actes, se sentir fort dans la renonciation de son idéal “paysan”. Chercher encore pour accepter de quitter la montage, mais pas question de manger des poulets aux hormones. Boris est devenu sculpteur, pratique et transmet les danses européennes folkloriques en Islande, au Pays de Galles. Cela pourrait faire sourire, c’est oublier la résurgence des “bals trad”. Puiser dans la tradition pour bousculer le futur et continuer le chemin en famille. La montagne est là. Dans un coin de sa tête, même si aujourd’hui le présent a chassé le passé. Les mots choisis qui jalonnent le documentaire sont justes et le questionnement sur le métier de berger s’inscrit à l’image. Il est intact le rêve même avec quelques retouches. Michaël Bernadat a suivi sur un peu moins de deux saisons, cette quête telle que Boris se l’était fixée. Atteindre son idéal : une vie de paysan. Le choix est aussi celui d’être filmé et d’être peut-être incompris par certains. L’ermite se confie peu. A quoi cela sert-il de submerger de mots des images qui parlent d’elles-mêmes ? Les silences sont les complices des monologues et la musique épurée celle des ambiances. Une œuvre aboutie qui a pris sa source dans l’idée première du réalisateur, celle d’adapter le roman de René Barjavel Ravage. Roman d’anticipation écrit en 1943. Un roman post-apocalyptique révélant le pessimisme de Barjavel à l’égard des progrès de la science. Et cela fait du bien de découvrir ces passerelles qui existent entre la littérature et des films comme celui de Michaël Bernadat qui sort en salle ce 28 juillet.