Le chant des vivants

À découvrir en salles à partir du18 janvier. 

OSER LA VIE

Conques. Une ville au cœur de l’Aveyron. Préservée. On y vient de loin pour découvrir cette lumière que Pierre Soulages (1919-2022), maître du noir, a su apprivoiser à travers les vitraux de l’église de Sainte-Foy.  Conques capte également une autre énergie, celle de l’association Limbo créée par Cécile Allegra, la réalisatrice du Chant des Vivants, qui accueille depuis 2016  “l’exil” comme un devoir. Aidée en cela par l’enthousiasme jamais démenti d’un groupe d’habitants. Voilà donc le bus qui s’arrête. Ils et elles viennent d’Érythrée, du Soudan, de Somalie, de Guinée, de la République démocratique du Congo. Il faut du temps au temps pour se poser. Pour l’écoute. Les mots doivent s’apprivoiser pour se sentir en bouche, sans déformation. L’association organise six fois par an des séjours pour en moyenne dix migrants pendant une semaine. Le film de Cécile Allegra pousse la porte de ce travail thérapeutique regroupant, psychologues, art-thérapeutes, musicologues et militants : près d’une vingtaine de personnes qui œuvrent comme autant de maçons à la reconstruction de l’identité. On oublie pas les corps torturés, les refoulements. On essaie simplement l’humanité. Un sacré chantier abordé avec plus ou moins de facilité. Il faut accepter la réticence de certains. On pourrait écrire méfiance. Comment peut-il en être autrement ? Les épreuves racontées sont là pour témoigner des doutes envers la confiance en l’humai. L’approche se fera par touches. Mille fois tu reviendras sur l’écoute. Les confidences de chacun parsèment le cahier de notes, elles deviendront paroles de chansons. Si les mots ne suffisent pas, le corps parlera. L’identité s’inscrit dans le mouvement et le lien distendu se renoue. Les vivants chantent à nouveau. La bascule est là, tout en finesse. La réalisatrice nous prend par la main et nous guide vers un sentier pas assez exploré : la musicothérapie. Le documentaire devient alors film musical. Par touches, le musicien Mathias Duplessy met des notes sur les confidences. Rendre audible l’inaudible. Le bonne note sur le mot juste. Un chemin musical qui construit un hymne. Celui des vivants. Le film nous entraîne au-delà du documentaire social. Même si le terreau en est le scénario. Cécile Allegra a su jouer des codes pour offrir par une ponctuation discrète une écriture “Clip”, quelques virgules bousculant avec fantaisie la narration. Le film en suspension rend, au fil de son déroulé, la légèreté d’être. Une idée pleine de bon sens. Puisque nous sommes en présence d’un groupe pourquoi ne pas aller musicalement de l’avant ? L’idée pourrait sembler naïve. Il n’en est rien, le bon sens du métronome donne le tempo. Tout le film est là, crescendo. Dans la justesse d’un univers qui doucement, avec finesse, bascule vers l’espoir.
Il y a dix morceaux de musique qui n’attendent que d’être pressés sur du vinyle ou un CD. A bon entendeur, salut !