L’abécédaire de Bernardo Bertolucci, à la lettre R on trouve Jean Renoir. Le patron. Et un film que le réalisateur du Dernier Tango qualifie de chef-d’oeuvre Le Fleuve.
Il en va du cinéaste comme de n’importe quel autre artiste. Il sème au cours de son existence quelques pépites intemporelles qui guident notre existence. Le livre de Piero Pila, Le cinéma de Bernard Bertolucci (éditions Gremèse) est un ouvrage que l’on feuillette comme le catalogue d’une exposition, en déambulant au gré des œuvres présentées. Bernardo Bertolucci (1941-2018) est un enfant de la balle, à la manière d’un Fellini, qui s’est créé un héritage familial emprunté au cirque. Bertolluci se veut héritier de Judy Garland et de la fameuse légende d’Une Étoile est née, d’être né dans une malle de théâtre à Paris. La légende est trop belle pour être entièrement fausse ! Laissons le plaisir de la découverte aux lecteurs. Pour Bernardo, le cinéma de son enfance était une villégiature. On quittait le village pour se rendre à la ville qui possédait deux cinémas dont Le Lux qui voyait régulièrement la famille Bertolluci s’installer dans ses fauteuils de velours rouge. Un père, grand poète et professeur d’histoire de l’art, et une mère professeure de littérature. Une cohérence culturelle qui allait influencer et soutenir les choix du futur réalisateur du Dernier Tango à Paris. Il faudra attendre la déchirure du déménagement à Rome pour que Bernardo touche à une caméra et réalise deux courts métrages entre 1956-1957. Le bac en poche, il part pour Paris et sa cinémathèque. En 1960, il découvre A plus bout de souffle qui déterminera le choix artistique de sa carrière cinématographique. Pas de doute, il sera cinéaste. La rencontre déterminante sera celle de Paolo Pasolini dont il devient l’assistant pour Accatone. La nouvelle vague italienne est en marche. Il signe son premier long métrage sur un scénario de Pasolini en 1962 : Les Recrues. Deux ans plus tard, il réalise Prima della rivoluzione. Ainsi débute une carrière qui se clôturera en 2013 avec Les Chaussons rouges, un court métrage sous forme de plaidoyer virulent contre l’état lamentable des trottoirs et nids de poule infâmes pour les handicapés dans leur fauteuil roulant. Comme le sera Bernardo Bertolucci à la fin de sa vie. Jusqu’au bout, son cinéma restera l’égal de sa révolte. L’ouvrage de Piero Spila est ainsi conçu que l’on vogue avec plaisir dans cette aventure qui a marqué soixante ans de cinématographie. Alors, comment prendre l’ouvrage ? par le début ou l’ouvrir au hasard, à la page 133 par exemple et découvrir le chapitre L’Image de l’Ailleurs, avec trois films : Le Dernier empereur, Un thé au Sahara, Little Buddha. Nous aurions pu arrêter notre recherche en aval et découvrir en page 71 le chapitre concernant le Cinéma du dialogue et commencer l’aventure des mots avec La Stratégie de l’araignée. Ainsi vont vos envies curieuses en feuilletant ce livre de 220 pages. Piero Spila, l’ami de longue date du réalisateur, a su offrir au lecteur le respect et la passion. Celui d’un contenu dense, pimenté d’anecdotes. Il faut y ajouter la richesses de l’iconographie. Tout comme cet abécédaire qui pioche dans l’histoire du cinéma. Mais peut-être faut-il y voir les racines visibles qui ont permis au réalisateur de 1900, de nourrir sa filmographie et notre plaisir de cinéphile. L’ouvrage sort deux ans à peine après la disparition du cinéaste. C’est une bonne chose de redécouvrir ses films, ce livre en main. Comme un catalogue devant une exposition.
The filmmaker is like any other artist. It sows during its existence some timeless nuggets that guide our existence. Piero Pila’s book, Bernard Bertolucci’s cinema (Gremèse editions) is a work that you leaf through like the catalog of an exhibition, wandering as you wish. Bernardo Bertolucci (1941-2018) is a child of the ball, like a Fellini, who has created a family heritage borrowed from the circus. Bertolluci wants to be the heir of Judy Garland and the famous legend of Une Étoile was born, to be born in a theater trunk in Paris. The legend is too good to be entirely false! Let’s leave the pleasure of discovery to the readers. For Bernardo, the cinema of his childhood was a vacation. We left the village to go to the city which had two cinemas including Le Lux which regularly saw the Bertolluci family settle in their red velvet armchairs. A father, great poet and professor of art history, and a mother professor of literature. A cultural coherence that would influence and support the choices of the future director of The Last Tango in Paris. It was not until the tear of the move to Rome that Bernardo touched a camera and made two short films between 1956-1957. Bac in pocket, he left for Paris and its cinematheque. In 1960, he discovered A plus bout de souffle which would determine the artistic choice of his cinematographic career. No doubt, he will be a filmmaker. The decisive meeting will be that of Paolo Pasolini, of whom he becomes the assistant for Accatone. The new Italian wave is underway. He signs his first feature film on a screenplay by Pasolini in 1962: Les Recrues. Two years later, he directed Prima della rivoluzione. Thus begins a career which will end in 2013 with Les Chaussons rouges, a short film in the form of virulent advocacy against the lamentable state of the infamous sidewalks and potholes for the disabled in their wheelchairs. As Bernardo Bertolucci will be at the end of his life. Until the end, his cinema will remain the equal of his revolt. Piero Spila’s work is conceived so that one can sail with pleasure in this adventure that has marked sixty years of cinematography. So how do you take the book? from the beginning or open it at random, on page 133 for example and discover the chapter The Image of Elsewhere, with three films: The Last Emperor, A Tea in the Sahara, Little Buddha. We could have stopped our research downstream and discovered on page 71 the chapter concerning the Cinema of dialogue and started the adventure of words with The Strategy of the spider. So go your curious desires by leafing through this 220-page book. Piero Spila, the director’s longtime friend, was able to offer the reader respect and passion. That of dense content, spiced with anecdotes. To this must be added the wealth of iconography. Just like this alphabet which draws in the history of cinema. But perhaps we have to see the visible roots that allowed the director of 1900 to feed his filmography and our pleasure as a cinephile. The work came out just two years after the filmmaker’s disappearance. It is a good thing to rediscover his films, this book in hand. Like a catalog in front of an exhibition.