Le Dahu

Il y a dans le froid du Québec (Canada) cette fraîcheur cinématographique qui fait un bien fou aux cousins français, coincés dans leurs rhétoriques. L’œuvre d’Eric Morin est jubilatoire. Il y a tout au long de La chasse au Godard d’Abbittibbi, une retenue qui offre au spectateur une vision libertaire de la venue de Jean-Luc Godard en juillet 1968. Le réalisateur de Pierrot le fou, alors auréolé de ses positions radicales lors du Festival de Cannes qui avec Truffaut l’avait interrompu en solidarité avec « le monde des travailleurs », était invité à un festival de cinéma politique. On l’aura compris, tout est là. Godard face au reste du monde ? Le prétexte était trop beau pour ne pas le prendre cette idée au vol et la développer dans une fiction. Eric Morin s’en frotte les mains. Le guide sera le documentaire réalisé par Julie Perron (bonus) lors de la venue de JLD. Pourquoi ne pas exposer une figure intellectuel du cinéma face aux « ploucs » de l’arrière-pays québécois. A la façon d’un Georges Rouquier, nos jeunes vidéastes bardés d’un matériel imposant (et oui, la vidéo portable existait déjà 1968) s’en vont sur les chemins brumeux en prenant modèle sur Godard – qui déjà a compris tout le pouvoir et l’indépendance artistique de ce nouvel outil. Le film d’Eric Morin chemine entre la découverte d’un média autonome, le relationnel de ces jeunes au lendemain de la fièvre de 68, la bonne parole militante et cette façon goguenarde dont les autochtones, la malice en tête, accueillent « nos militants ». Qui est le plus exotique ? Ainsi va le film dans sa réflexion et dans sa découverte. Déambulant entre histoire amoureuse et réflexion cinématographique (en couleurs et noir et blanc), sans oublier la voix off, indispensable à la continuelle remise en question de nos jeunes citadins affrontant le monde des bûcherons et autres villageois perdus dans la neige.
Ce film, sorti en 2014, est disponible en DVD aux Éditions Montparnasse. Pour rafraîchir nos neurones embués rien ne vaut un bon film de la Belle Province. Eric Morin a sorti, en 2019, Nous sommes tous Gold.

There is in the cold of Quebec (Canada) this cinematographic freshness which does a lot of good for the French cousins, stuck in their rhetorics. Eric Morin’s work is exhilarating. Throughout The Hunting of Godard by Abbittibbi, there is a restraint which offers the viewer a libertarian vision of the arrival of Jean-Luc Godard in July 1968. The director of Pierrot le fou, then crowned with his radical positions during of the Cannes Film Festival, which with Truffaut had interrupted him in solidarity with « the working world », was invited to a political film festival. We will understand, everything is there. Godard facing the rest of the world? The pretext was too good not to take this idea on the fly and develop it into a fiction. Eric Morin rubs his hands. The guide will be the documentary produced by Julie Perron (bonus) when JLD comes. Why not expose an intellectual figure of cinema to the « rednecks » of the Quebec hinterland. Like a Georges Rouquier, our young videographers clad with imposing material (and yes, portable video already existed in 1968) set off on foggy paths by taking a model from Godard – who already understood all the power and the artistic independence of this new tool. Eric Morin’s film walks between the discovery of an independent media, the relationships of these young people in the aftermath of the fever of 68, the good activist word and this mocking way in which the natives, mischievous in mind, welcome « our militants  » Who is the most exotic? So goes the film in its reflection and in its discovery. Strolling between love story and cinematographic reflection (in color and black and white), without forgetting the voiceover, essential to the continual questioning of our young city dwellers facing the world of loggers and other villagers lost in the snow.
This film, released in 2014, is available on DVD from Éditions Montparnasse. To refresh our steamy neurons, nothing beats a good film from La Belle Province. Eric Morin released, in 2019, We are all Gold.