Le destin de Juliette

sortir de l'oubli

L’hibernation d’un film varie selon le temps économique dans lequel il est plongé. Tout film par la force culturelle qu’il dégage remonte des profondeurs juridiques un jour ou l’autre pour finir là où il aurait dû commencer sa vie : sur un écran. Le temps ne se lit pas sur les images, il n’a pas pris une ride. Pas plus que le thème abordé. Il y a trente-huit ans. Le Destin de Juliette de la réalisatrice Aline Issermann dont c’était le premier long-métrage semblait avoir un avenir tracé. Il brilla à la Semaine de la critique du Festival de Cannes en 1983, reçut le prix Georges Sadoul la même année. Et en 1984, le prix de la SACD, catégorie nouveaux talents pour Aline Issermann ; toujours la même année nomination aux Césars dans la catégorie Meilleur espoir féminin pour la comédienne Laure Duthilleul. Les honneurs, puis le clash. Les oubliettes juridiques et plus si affinités. Il faut donc de la détermination pour affronter l’adversité, se dépatouiller des couleuvres administratives. Combien de films sont-ils devenus des fantômes ? Le Destin de Juliette ne sera pas de ceux-là. La preuve : il vient de renaître sur les écrans depuis le 25 janvier 2023 à Paris au Studio Galande et à l’Épée de bois, en province également. Et comme le bonheur sonne toujours deux fois, le même jour il sort en DVD et  Blu-ray, aux éditions Montparnasse. Une version restaurée en haute définition. Une idée à suivre pour le plus grand nombre. Le Destin de Juliette relate vingt ans de la vie d’une femme, la fille aînée(Laure Duthilleul) d’un maréchal-ferrant. Sa vie dérape lorsqu’elle se voit dans l’obligation de laisser Pierre, berger, pour épouser Marcel, l’homme qu’elle n’aime pas et de vivre sous l’emprise brutale de son mari de cheminot (Richard Bohringer) qui  sombre dans l’alcoolisme avec  l’effritement du couple. Il faut du courage à cette femme qui se sacrifie pour sauver sa famille. N’est-ce pas le rôle de l’aînée? Film réalisé en 1983, il porte les traces sociales et les non-dits d’une époque qui fait mal. Aline Issermann a su capter les silences comme autant de dialogues qui font mouche. Les décors sont à eux seul un personnage, cadrés comme les éléments d’une BD. Un job que connaît bien la réalisatrice. Ce film est une mémoire, un moment charnière dans le cinéma. Il faut le découvrir pour en comprendre l’importance.