L’évènement Gilets jaunes

N’hésitez pas à vous procurer l’ouvrage au prix de 10 € (165 pages) auprès de  Jacques Wajnszrejn à l’adresse suivante J.wajnsztejn@free.fr

 

La Couleur des renégats

JAUNE. En  voilà une drôle de couleur. Pour plus d’un, elle symbolise la traîtrise. Le refus de se joindre au combat, être du côté du patron contre ses frères de classe. Celui qui casse la grève. Jaune, c’est aussi cette pub de Karl Lagerfeld qui paraît sur les panneaux en 2008, C’est jaune, c’est moche, cela ne va avec rien mais ça peut vous sauver la vie… Slogan de l’agence Lowe Strateus pour la prévention routière. Cela peut sauver une vie ? Naturellement ! Ceux d’entre deux rives par exemple, pas encore à la campagne mais déjà plus en ville. Ils sont cernés de rond-points. Petites gens mais belles gueules. D’autres, du haut de leur aristocratie républicaine, ont parlé de sans dents. Ils se démerdent pour survivre, grappillent sur les horaires, sur les temps de trajets. On survit dans le temps économique qui n’est pas le leur. Fiers. Prenant la bagnole pour le boulot, puisque les transports en commun n’arrivent pas à eux. La hausse du prix du diesel fait siffler la cocote minute. Anathème sur ces pollueurs. Pestiférés, ils sont montrés du doigt par la bienséance écologique. Citoyens en dehors du temps qu’on leur a imposé. Hors des préoccupations du “Politique” qui voit dans cette représentation au “gilet jaune” quelques fanfaronnades sans lendemain. On se questionne, on se moque, mais à bien y regarder, jamais leurs regards n’ont été aussi clairs aussi fiers, déterminés. Ils sont là fixant les monarques républicains dans les yeux. Il suffit d’un geste, celui d’exposer le gilet jaune sur le tableau de bord en signe de reconnaissance, la fraternité fera le reste. D’une autoroute à une départementale on se croise, on se klaxonne. Il faut bien bien commencer. Partenaires de lutte, ils construisent l’égalité sur les rond-points. Ils ont l’œil vif de ces gavroches qui ne se laissent plus rouler dans la farine par les négociations. La faute à Voltaire, la faute à  Rousseau. Les battements de cœur sont dans l’action et l’écho de l’Histoire. Ici et ailleurs, en dehors des codes. Les oubliés se font entendre. Ils ne croient plus en grand chose, tellement les paroles trompeuses ont nourri leurs espoirs les plus humbles. Le peuple des rond-points s’incruste dans le paysage. On les qualifiera rapidement de populistes. « Regardez-les brandir le drapeau de la République et chanter la Marseillaise. Réactionnaires ! », peut-on entendre. Le décalage fait mal. La Révolution se rappelle au bon souvenir des nantis. Notre pays n’en a jamais fini avec 89 et 93 dont les Gilets jaunes brandissent la Constitution. La révolte des peuples inscrite dans l’ Article 35 – Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs. Il ne s’agit pas d’un effet de manche mais d’un bien commun. La survie est écrite dans la Constitution. Texte puissant qui fait peur et qui réveille l’ombre des pères de la Révolution qui emboîtent le pas des Gilets jaunes. Malgré l’esprit bon enfant, ils partagent le doute de ces automobilistes qui s’arrêtent pour les soutenir. Les débordements sont prévisibles, ils le sentent. Ils sont une masse informe, non structurée que les coups de butoir des black blocs viendront briser au fil des semaines. On regarde de haut ces oubliés des syndicats, des politiques, des partis en comptant les points. Que se passe-t-il donc pour que personne ne comprenne ? Les codes de la revendication sont inexistants. La pulsion est humaine. Les syndicats, avec lesquels on aurait pu croire à une fraternité, deviennent des Ponce Pilate. On glose dans les médias. Comme il est facile derrière un micro de donner des leçons… De philosopher sans philosophie, d’inviter quelques Gilets jaunes comme faire-valoir. Chacun mérite son quart d’heure de célébrité ! Peut-on leur en vouloir ? C’est grisant la télé, même si la manipulation est là. Trois petits tours et puis s’en vont. Il aurait été plus utile de refuser les invitations et d’offrir aux télévisions un direct  sur les rond-points. En territoire Gilet jaune. Une idée qui ne verra jamais le jour. Jamais rien ne s’efface définitivement… La mémoire des battements de cœurs est transcrite. L’ouvrage L’évènement Gilets jaunes rédigé par les membres de la revue Temps critiques est un condensé des actions et des réflexions qui en découlent. Un questionnement qui au fil des pages renforce le particularisme du mouvement qui échappe à tout modèle. Ici pas de fracture identitaire, ni de lutte pour la cause animale, encore moins de néo-féminisme…  Rien. Pas même de médiations politiques ou syndicales. Aucun représentant. Un ventre mou aux abdos aussi durs que la pierre. Des images alors reviennent en mémoire, celles du film de Jean Renoir La Marseillaise et la détermination du peuple devant les monarques de tous poils, le documentaire de Jean-Luc Magneron Mai 68, La Belle Ouvrage… où une jeunesse corsetée veut laisser le Vieux monde derrière elle au son de “Révolution” des Beatles. L’histoire ne se répète pas, elle bégaye. J’veux du soleil de Gilles Perret et François Ruffin, par la joie qu’il communique nous en dit plus long sur les Gilets jaunes que nombre de tables rondes d’experts. Trois films, mais il y en a bien d’autres qui accompagnent pleinement l’ouvrage L’évènement Gilets Jaunes aux éditions A plus d’un titre…

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