L’homme qui penche

Retrouvez Thierry Metz chez Gallimard, Journal d’un manœuvre et Lettres à la bien -aimée, les deux sont parus dans la collection L’Arpenteur, puis repris en Folio pour le titre générique Journal d’un manœuvre

Proche de Chantal

Filmer le temps c’est filmer la poésie dans le silence de l’entre-texte. L’image au format 1×33, voire 1×37 pour les pointilleux, est là pour nous le rappeler. Le cinéma est un cadre, presque carré rappelant ces cahiers anciens sur lesquels certains d’entre-nous traçaient maladroitement quelques esquisses. Les mots se joignaient aux dessins et formaient un tout. Personnel, intime, secret. La poésie est le langage du Moi. Le ressenti du mot, sa sonorité. Sa longueur en bouche. Le temps, est là, toujours. Il s’invite, se place, devient écriture. L’homme qui penche, le film de Marie-Violaine Brincard et Olivier Dury est une œuvre poétique, comprenez, écrite. Un drôle de mot pour un film ? Qui, déjà, parlait de caméra stylo ?   Un choix, celui de l’intransigeance et la rigueur que le vers impose à l’image. Ne pas trahir le poète, ni son cheminement. Attendre et regarder. Entendre et découvrir. Comment mettre des images sur des mots ? Comment coller le verbe aux images ? Le challenge est là. Dans l’interprétation des œuvres de Thierry Metz, ouvrier et poète suicidé en avril 1997.  Exhumer l’empreinte laissée. Le creux de l’existence comme révélateur. Il faut alors puiser dans les divers recueils du poète bordelais, que beaucoup comparent aux plus grands du XXe siècle, pour trouver l’essence filmique. Une approche picturale voulue par les auteurs pour être au plus proche du poète. Le cadre fixe (les mouvements de caméra n’existent que pour souligner une ponctuation), la longueur de plan qui permet de construire son imaginaire dans l’immobilité. Ici l’écran devient  chevalet. Voguer dans le plan fixe et imaginer le hors champs. L’intonation des mots respire, et l’on sent arriver l’inexorable. La voix d’Olivier Dury et une bande son aussi épurée qu’elle est travaillée offrent un véritable voyage pour le spectateur celui qui se laisse porter. Lâchez prise devant la sobriété des cadres sans apparat. C’est toute leur beauté. Une simplicité qui rappelle Chantal Akerman et son refus de toute approche au superflu harmonieux. Une image sobre pour un esthétisme social. Ainsi s’inscrit le film de Marie-Violaine Brincard et Olivier Dury. Mettre les mots en images ! Et le choix des cartons, comme autant d’acte d’ouverture, révèle l’ancrage du documentaire dans cette période primitive du 7e Art où tout était encore possible. Avec l’adaptation cinématographiques des poèmes de Thierry Metz, c’est une forme de langage, sinon nouveau que nous proposent les auteurs-res – au moins dans la lignée d’un esthétisme qui renouvelle notre regard et notre désir  cinématographique.