Litan

Si l’entretien que nous avait accordé JPM (1929-2019) ne traitait pas de LITAN (1982), son seul film fantastique, sa parole reste encore celle d’un auteur libre, flibustier du 7e Art

l'Ecran fantastique

Il s’agit d’un clin d’œil. Pas si innocent que cela. En 1982, lors de la sortie de Litan, la célèbre revue Mad Movies était encore à son apogée et prenait possession du cinéma le Grand Rex pour le fameux Paris International Fantastic Film Festival. La mise en place d’une culture cinématographique qui ne se démentira plus. Un cinéma anglo-saxon qui fit les beaux jours de la Hammer, de Roger Corman, de ce cinéma sans budget mais qui ravissait les fans. Un genre que le cinéma français a laissé filer entre ses écrans. On parle bien ici de films fantastiques et non de la grandeur poétique d’un Jean Cocteau. Comment mettre à la sauce cartésienne un cinéma qui nous semble si étranger ? Jean-Pierre Mocky a retenu la leçon. Pourquoi faire anglo-saxon alors que la France regorge d’étrangeté. C’est tout la force du film Litan : le lieu devient personnage et le réalisateur s’en frotte les mains. Le prétexte d’un carnaval dont les participants déambulent comme autant de spectres… Mocky retient la leçon du brouillard de la Hammer, des recoins rarement accueillants. Le réalisateur de Solo s’approprie des codes, les détourne, s’en amuse. Ici le cinéma est une affaire de frisson. Un film qui lie le cauchemar et le carnaval réveillant de sombres secrets, particulièrement cette rivière trouble qui traverse la ville abandonnée à ses spectres. Ce qui est toujours fabuleux chez Mocky, c’est la façon cinématographique qu’il a de nous inviter à jouer l’équilibriste, aidé par Jean-Claude Romer qui trempe avec gourmandise sa plume de scénariste dans ce que fait de mieux  le cinéma fantastique. Comme souvent J.-P. M. nous attend au tournant en nous proposant un casting auquel on ne s’attendait pas.  Découvrir une comédienne comme Marie-José Nat sensuelle au côté de Jean-Pierre Mocky, belle gueule de jeune premier. Retour au couple  de héros dans la fournaise d’un monde fantasque. Cela peut surprendre, c’est mal connaître Mocky et sa passion dévorante pour le cinéma fantastique. Le couple contre le mal. Un héritage que le réalisateur d’Albatros connaît sur le bout de sa cinématographie. Si Litan est un film fantastique pur jus, un réalisateur comme Jean Rollin applaudirait des deux mains. Il s’agit aussi d’un film d’aventure dont le “Mac Guffin” cher à Hitchcock est le principal ingrédient. Un secret plongeant le spectateur dans cette aventure proche d’une bande dessinée – d’ailleurs l’affiche témoigne de cette volonté. Il faut se laisser guider et rencontrer au détour d’un plan Nino Ferrer, diabolique. Le chanteur du Téléphon, de Sud, vit dans le contre-champ de l’aventure en interprétant un méchant que n’aurait pas renié Hergé. Le choix est large. Nino Ferrer a signé également la musique du film. Le bonheur n’est pas que dans le pré, il est aussi dans le fantastique. DVD édité par  BQHL.