L’ombre de Jean Giono

Filmographie lié directement au travail de Jean Giono, auteur, scénariste, réalisateur

1942 : Le Chant du monde (projet de film inabouti).
1957 : Le Foulard de Smyrne (documentaire sur le choléra en Provence au xixe siècle, à partir d’une adaptation de son roman Le Hussard sur le toit, projet de film encore une fois inabouti).
1958 : L’Eau vive.
1959 : La duchesse (documentaire sur le brigandage légitimiste en Provence au XIXe siècle, toujours autour de son projet pour le Hussard).
1959 : Platero et moi, adaptation du récit de Juan Ramón Jiménez : Platero y yo (projet de film inabouti)48.
1960 : Crésus.
1963 : Un roi sans divertissement.
1968 : Provinces (émission La chevelure d’Atalante), réalisation de Robert Mazoyer.

La réédition dans la collection Folio de l’ouvrage d’Emmanuelle Lambert, Giono, furioso (Prix Femina essai 2019), est une initiative qui faisait écho à l’exposition que l’écrivaine avait consacrée à l’auteur du Hussard sur le toit en 2019 au Mucem de Marseille. Les rééditions ont du bon. Elles font voguer les œuvres d’un format à un autre et proposer ainsi au plus grand nombre la joie de ne pas avoir laisser un auteur sur le bord le la route. Jean Giono a la terre provençale collée aux semelles. Il ne la quittera jamais. Ancré en terre Provença. Homme de Terre. Originaire de Manosque, il est né la même année que le cinématographe. Le cinéma à qui il fera les yeux doux sans tenir compte de ses trahisons. » Écrire est un art, cinématographier une industrie. » Toute l’ambiguïté est là, l’adaptation du mot à l’image. Ce n’est pas la seule que trimballe l’auteur. Pacifiste jusqu’au bout des ongles, il refuse de s’engager dans le second conflit mondial. Ses mots et son écriture se veulent plus puissantes que les balles. Le refus est considéré comme une trahison. Peut-être pire que la collaboration. Être d’un côté ou de l’autre ! Pas au centre. A l’ombre de Giono s’écrit l’ouvrage d’Emmanuelle Lambert. Une recherche qui peut faire mal. L’homme passionné par le travail de la troupe de Pagnol – combien de fois a-t-il vu Angèle (1934), Regain, une adaptation de son ouvrage sur laquelle il n’est pas intervenu (1937), La Femme du boulanger (1938) ? – se retrouve pointé du doigt à la fin de la guerre. N’a-t-il pas été l’une des mille voix de Radio Paris, n’a-t-il pas été encensé par le journal nazi Signal ? Les autorités allemandes le trouvaient « extrêmement bien disposé » ! Alors…  Qu’en est-il de ses écrits dans le journal collaborationniste La Gerbe ? Toute part d’ombre a sa lumière, tout aussi secrète. Jean Giono a protégé sur ses terres provençales, des réfractaires, des communistes, des juifs, la fille de Max Ernst. Il continue pendant cette période à écrire sans s’occuper de la directive du Comité national des écrivains (Vichy). La résistance d’un pacifiste n’est pas facile à porter, elle est trahie de toute part. Jean Giono ne sera pas condamné à la fin de la guerre. Il sera mis à l’index pendant deux ans pour cette phrase lourde de sens « Je préfère être Allemand vivant que Français mort ». L’homme libre connaît la puissance des mots et celle de la terre. Son paganisme s’inscrit dans la profondeur du verbe que l’on retrouve dans ses écrits. Cette puissance évocatrice est celle de l’image. Le 7e Art en est conscient. Jean Giono aussi malgré un grand nombre de scénarios restés sans réponse. Il faut du temps pour se reconstruire. Il n’est pas le seul dans cette après-guerre. Il devient son propre Maitre. Scénariste, metteur en scène, producteur : L’Eau vive, Crésus, Un roi sans divertissement. Mais à côté de ces films, c’est un ensemble considérable de scénarios inédits, de projets inaboutis, de réalisations qui semblent sortir de l’oubli à travers les pages d’Emmanuelle Lambert. L’ouvrage rejoint un travail ancien, celui du réalisateur Claude Santelli qui avait eu le privilège de filmer Jean Giono pour la télévision. Giono furioso remet en question cette image du romancier provençal auquel il est trop souvent réduit, lui dont « la Provence est austère et noire ». Jean Giono est là, encore. Il regarde sa terre, voyageur de l’immobile, héritier d’Homère qu’il lisait enfant, s’interrogeant sur l’homme, son aptitude au bonheur comme sa capacité à faire le mal. Des traces que l’on retrouve dans ses romans,  ses films. Un besoin entier, sans barrière artistique. Un tout. François Truffaut ne disait-il pas en 1959, année des Quatre cents coups,  « Giono est l’écrivain qui pourrait apporter le plus au cinéma. » ? De par son écriture il avait compris de description de l’image.