On ne peut naturellement que saluer Netflix, la plateforme aux 195 millions d’abonnés, d’avoir mis la main à la poche pour compléter le budget conséquent qui a enfin permis de boucler la version définitive de Napoléon, le chef-d’œuvre d’Abel Gance. Devenir mécène de la Cinémathèque française voilà un bon début pour mettre un pied dans la porte. L’ambition de la tâche est majeure : retrouver le souffle épique et historique du légendaire « Apollo » qui avoisine les 7 heures de projection. Une mise en conformité de l’ultime et peut-être définitive version du film après les 22 déjà identifiées par la Cinémathèque. Il s’agira de coller au plus près du film originel souhaité par Abel Gance. Challenge d’autant plus important que le projet doit être finalisé fin 2021, pour le bicentenaire de la mort de l’Empereur. On imagine aisément le rayonnement culturel attendu. Un coup d’essai qui pourrait se transformer en partenariat de longue durée pour Netflix. En s’invitant, la plateforme se glisse dans un projet mis en place par la Cinémathèque en 2008 sous la directive du réalisateur Georges Mourier. L’idée vaut de l’or. Et pas seulement pour le patrimoine français qui y trouve naturellement son compte mais aussi pour Netflix qui doit dès maintenant se frotter les mains. A qui profite la restauration ? Le spectateur peut se poser la question, voire s’inquiéter. Aux différentes parties naturellement, à la Cinémathèque en premier chef, comme gardien du patrimoine. Mais la réalité est peut-être autre. Netflix chez Langlois. Qu’en aurait pensé Henri Langlois ? N’y-a-t-il pas comme une fausse note ? Quelque chose de dérangeant dans cette relation qui pourtant semble indispensable au projet ? Netflix n’épingle-t-il pas la Cinémathèque française à son tableau de chasse ? C’est un peu comme si Facebook devenait mécène de la Bibliothèque Nationale. On exagère ?Peut-être pas autant que cela ! Si aucun chiffre n’a été divulgué (clause de confidentialité) on peut imaginer le nombre de zéros. Aussi importante que puisse-t-être l’enveloppe pour la restauration, n’aurait-il pas été plus judicieux de faire appel à un mécénat participatif ? Peut-être cela a-t-il été tenté sans véritable succès ? Ou que les statuts de l’organisme privé s’y opposent, Il serait bon de savoir. Même si la prestigieuse Fondation Napoléon se joint au cortège emboîtant le pas aux Laboratoires Éclair Classics et au CNC, cela suffit-il à estomper le doute ? On imagine aisément comment la puissance financière de Netflix risque de déstabiliser un milieu aussi fragile que celui de la rénovation cinématographique. Même si de l’argent frais est injecté dans divers projets (ils ne manquent pas), le bienfaiteur des arts se contentera-t-il d’une seule campagne de restauration ? La mariée est belle. Et le fond cinématographique unique. Soyons-en sûrs ce partenariat sera un coup de maître ! Et ensuite ?