Ne pas se prendre le choux

La tête de chou n’en finit pas de nous de nous prendre la tête. L’artiste disparu le 2 mars 1991 reste incontournable et c’est un bien. L’irrévérence comme acte social. Il savait de quoi il parlait, et son aigreur envers “les moutons” lui attirait la violence de ces mêmes bien pensants. Gainsbourg est un artiste et comme certains (Léo Ferré faisait parti de cette cohorte) il avait la liberté en bouche. L’intransigeance libertaire devant ceux qui courbent l’échine. Il y a du gavroche dans le reggae de sa Marseillaise qui défrisa en son temps les gardiens du dogme. Il aime jouer les troubles fêtes jusqu’à l’écran. Jamais il ne se dépareillera de ce qu’il a tagué. Sa personnalité est une et entière. Trace en est avec le cinéma. Gainsbourg et le 7e Art, c’est un peu “Je t’aime moi non plus”.  Le cinéma de l’homme à la tête de chou se fredonne entre les prises, jamais dans l’ordre attendu. Habitué des génériques : carton musique de films, on le retrouve sur l’écran, traînant avec nonchalance sa silhouette blessée dans plus de 50 films. Dès le début de sa carrière, il se voit diabolique homme de main dans les péplums italiens comme La Révolte des esclaves (1960) ou encore dans Hercule se déchaîne. Il jouera les malfrats dans un noir et blanc de la série  Les Cinq dernières minutes”
(1965) et côtoiera Jean Gabin dans Le Jardinier d’Argenteuil (1966). En 1968, il joint l’utile à l’agréable en composant la musique du Pacha en retrouvant Jean Gabin. Film dans lequel il joue son propre rôle (séance d’enregistrement de la chanson du film). La même année, il remet le couvert en se glissant à la manière d’un Hitch dans le film de William Klein Mister Freedom (1968) dont il crée là encore la bande musicale. Avec sa tronche, les rôles de salaud lui collent à la peau. Il est fataliste Gainsbourg. Qu’à cela ne tienne l’homme rebondit, debout derrière un piano. Et compose. Il n’est pas seulement Le Poinçonneur des Lilas, il signe le “son” des années 70 avec facilité et brio. Sa rencontre avec Jane Birkin créera un duo compositeur/ interprète qui servira des films tel que Slogan, Cannabis, Les Chemins de Katmandou. Le couple croisera la nouvelle vague avec Agnès Varda dans le documentaire Jane B par Agnes V. Le démon de la réalisation lui brûle les doigts. Il suffit de tourner la page d’un partition pour en faire un scénario. Gainsbourg va faire ses gammes. Il réalisera 4 films. Je T’aime moi non plus (1976) Équateur (1983), Charlotte for Ever où il devait diriger Christophe Lambert avant d’en tenir le premier rôle (1986) et Stan the Flasher (1989). Un cinéma influencé par l’underground new-yorkaise. Des traces filmées, sans concession frôlant l’interdiction totale de diffusion. Films symboles d’une fin annoncée. Une certaine liberté de filmer, à l’encontre d’un 7e Art aujourd’hui formaté. La laideur ne se dessine pas sur le visage du bretteur qu’a été Gainsbourg mais dans le conformisme qui englue notre cinéma au point de ne plus faire de différence, ou si peu, entre les écrans… Le titre célèbre du premier film de l’homme à la tête de chou, Je t’aime, moi non plus devient avec le temps une signature qui en dit long sur les rapports que Serge Gainsbourg entretenait avec le cinéma. Un rapport qui reflète la modernité qu’entretient le public avec le cinéma. Quatre films à redécouvrir.