Il est bon parfois de plonger son nez dans les archives trop bien rangées et de s’apercevoir qu’un entretien réalisé en 2014, tient encore la route. Rencontre avec Yann Moulier-Boutang, professeur de sciences économiques er Directeur de la publication de la revue Multitudes.
Une semaine et déjà les images s’évaporent. Que reste-il des Césars 2021 ? L’absence. Une signature, une trace, volontaire ou pas, mais significative, celle de la fin d’un cycle. Le courage de la ministre de tutelle, restée sur le pas de porte avant de rebrousser chemin. Combien de ministres ont-ils ainsi boycotté la remise des Césars ? Un signe politique fort pouvant signifier « Laissons les clowns faire leurs numéros et occupons-nous des priorités ». Combien de fois avons-nous entendu cette ritournelle que l’art (dans son ensemble) n’était pas essentiel ? Ne rapporte rien (découvrir l’entretien de Yann Moulier-Boutang). Qui écoute le battement de cœur des théâtres occupés ? Les cinémas cadenassés, les cirques oubliés sur une place déserte… Et Netflix qui sourit. Cela pourrait être le titre d’un conte de Perrault, d’une fable de La Fontaine. On en oublie les mots. La remise des Césars, déboussolée, s’est embourbée dans un maelström de revendications où chacun y allait de sa tribune oubliant le sens commun de toute une profession. Oui, Marina Foïs, la maîtresse de cérémonie a eu raison de ramasser une crotte de chien sur la scène. Nous sommes bien dans la merde. Et l’exception française n’est plus si exceptionnelle. Le jeu des chaises musicales a commencé. Les négociations ne sont que des éléments de langage. Une façade creuse qu’exprime les bayements des autorités de tutelle. La lente dislocation d’un modèle. Un dépeçage en règle. Corine Masiero en revisitant Peau d’âne signe une métaphore qu’il fallait imposer et tant pis pour le malaise que l’apparition de la comédienne a provoqué. Corinne est une bien belle Marianne que le sang, dans sa violence, glorifie. Comme il est dérangeant d’être bousculé dans son confort. On fait mine d’approuver en pensant très fort « Otez-nous du regard, cette vérité que l’on refuse de voir ». Le cinéma se la joue second couteau, à quand le rôle de figurant ? Etre ou ne pas être. Cette question reste en suspens. Les plaintes et les doléances légitimes des uns et des autres déclamées devant l’absence de la Ministre en disent long. Silence on meurt. La profession en est consciente. Le Covid a vidé les salles et les premiers concernés n’étaient pas présents. Aucun directeur de salle n’a été appelé sur scène. Les vrais perdants, ce sont eux. Nous nous glorifions (encore et toujours) d’être la patrie du Cinéma. Un seul mot qui englobe le théâtre et le film. Une bizarrerie linguistique qui amuse les Anglo-saxons. Un tout qui se disloque. Si les films peuvent continuer leur petit bout de chemin avec une diffusion multiple soutenue par une génération de spectateurs biberonnés à l’Internet, consommant dans l’immédiateté, sans s’appesantir sur un fétichisme du 7e Art encore présent chez leurs parents. A chaque génération son turbo… L’image étant disponible partout, elle détourne l’importance historique du grand écran. En refaisant chez soi un semblant de salle (prix moyen d’un vidéo projecteur 500€). Je suis le premier à revoir Quai des Orfèvres ou In the mood for love, à redécouvrir un bon vieux western de Budd Boetticher. Voilà qui a de la gueule sur un mur blanc. La diffusion (c’est dans les tuyaux) simultanée d’un même film en salle et en VOD sur une plate-forme mettra un terme à la sacro-sainte l’exclusivité des salles. Naturellement on aura le choix, grand écran (haute couture) ou VOD (prêt-à-porter), selon ses envies, son compte en banque… Combien de salles vont-elles résister ? Oui, Le Capitaine Marlot a raison dans son happening de questionner. Jusqu’où peut-on aller dans le dépeçage du 7e Art, avant qu’un Ministre siffle la fin de la récréation ? Encore faut-il avoir le courage de sortir le sifflet.