Peter Ibbetson

20 €

l’Éternelle Romance

Le film d’Henry Hathaway, Peter Ibbetson, se range sur le rayonnage de l’histoire entre Les Trois lanciers du Bengale (1935) et I Loved a soldier (1936) du même réalisateur. Henry Hathaway a été biberonné par l’Hollywood des studios dès le début du parlant. Connaissant tous les recoins du savoir-faire artisanal, il a su manœuvrer à la perfection avec les desiterata des studios. On lui doit quelques perles comme Niagara , Le Renard du désert, Cent dollars pour un shérif, Prince Valiant. Ce touche-à-tout était avant tout spécialisé dans le western, genre qu’il affectionnait particulièrement comme son ami John Ford. C’est en faisant un pas sur le côté qu’il réalise un film singulier, Peter Ibbetson, que les éditions BQHL viennent de sortir de l’oubli. Peter Ibbetson est une œuvre que les surréalistes, et particulièrement André Breton, portaient aux nues. L’atmosphère onirique et fantastique est décrit par le surréaliste comme “un film prodigieux (…), un triomphe de la pensée surréaliste”. Tout est dit. Et  pourtant comme dix ans plus tard L’Aventure de Madame Muir de Joseph L Mankiewicz, c’est la normalité qui triomphe lorsque le fantastique sert une histoire romantique. Un rêve vrai. Une réalité où le public pioche ses sentiments. Rien n’est déroutant, bien au contraire, tout est sa  place. Parfaitement en ordre. Reconnaissons à Henry Hathaway d’avoir suivi l’itinéraire du premier roman de George du Maurier (1891) comme le Petit Poucet ses cailloux blancs. Cette adaptation fidèle permet au réalisateur d’utiliser l’outil cinématographique comme autant de possibilités picturales. Il ne s’en prive pas. Le film est ainsi fait que l’onirique et la réalité opèrent un pas de deux qui renforce l’effet si particulier de l’œuvre. L’amour impossible que le rêve permet. Deux amants éloignés à jamais. Peter est en prison après avoir tué son oncle. Retenu derrière les barreaux, il ne peut oublier Mary, son premier amour d’adolescent. Amour impossible que le rêve concrétise. Entre souvenirs et télépathies l’existence terrestre devient insignifiante. Henry Hathaway signe un film à la démarche rare. En mettant sur le devant de la scène ce qui est si difficile à filmer, le réalisateur nous offre le quotidien comme univers fantastique.