Peur de Rien (Bibi Fricotin)

Bibi Fricotin (1951) Réalisation Marcel Blistène avec Maurice Baquet dans le rôle titre (archives Stéphane DJ. Sthell).

Bibi Fricotin n’aime pas le cinéma. Il n’est pas le seul. Ses copains, Les Pieds Nickelés, non plus. A moins que le 7e Art ne leur fasse la tête ? Leur père s’en moquait. Louis Forton (1879-1934) n’imaginait pas un instant que ses personnages puissent tiré bénéfice de l’écran de cinéma. Pas besoin de cela ! Malheureusement, il avait raison. Même si le charme désuet de ces réalisations peut encore nous faire de l’effet (Le Bibi Fricotin – 1951 – de Marcel Blistène, voire un peu plus tard, les Pieds Nickelés – cliquez pour découvrir notre page -), reconnaissons que seuls quelques sourires nostalgiques restent accrochés à ces souvenirs, pas plus. Rangés sur les étagères de l’oubli, ils ne passeront pas à la postérité, c’est un peu dommage. Peut-être les croiserons-nous dans un festival dédié aux films oubliés. Alors n’hésitons pas à dépoussiérer ce qui peut l’être, en reconnaissant la difficulté des auteurs à adapter une BD. Ils sont légion à s’y être cassé les dents. Tintin et la ligne ligne claire naturellement mais aussi un grand nombre de bandes jusqu’aux adaptations les plus récentes (à part peut-être Prince Valiant -1954- très fidèle dans le respect du cadre et de l’histoire) ont mal vécu ce passage initiatique au grand écran. Souvent douloureux pour les spectateurs. Les producteurs, eux, croyant toucher le jackpot à chaque adaptation (c’est leur job !). On ne parle pas ici des super-héros Marvel qui ont bénéficié de l’arrivée du fond vert et du trucage numérique pour prendre leurs envols, et les succès qui s’y attachent. Le cinéma se situe dans une autre catégorie, celle des poids coqs. Excepté Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre en 2001 même si Uderzo était farouchement contre l’adaptation proposée. Alors qu’est-ce qui cloche ? L’époque peut-être ? Le souci de vouloir coller au plus près du personnage plutôt qu’à sa représentation en oubliant les évolutions que permet la liberté de l’adaptation. L’importance du personnage sclérose l’imaginaire. Spielberg n’a-t-il pas dit que la meilleure adaptation du personnage d’Hergé était Indiana Jones ? Comment lui donner tort ? Les personnages deviennent alors des prétextes, interchangeables au gré des productions, seul compte l’univers qu’ils traduisent. Le film de Marcel Blistène (on lui doit entre autre Macadam – 1949-, Gueule d’Ange – 1955 -) est la seule adaptation à ce jour de Bibi Fricotin avec Maurice Baquet (sans sa contrebasse). Un film à la bonne franquette, sans intention de nuire. L’acteur a la bouille de l’emploi et les gestes dessinés. Une série de scènes unitaires comme canevas avec en fil rouge, un héritage à retrouver permettant mille et un rebondissements. Une écriture cinématographique héritée des premières bandes du muet aux situations multiples rappelant Max Linder. Hommage souvent réussi. Une tentation d’utiliser la bande dessinée comme se suffisant à elle-même. Coller au plus près d’un toon ! Ce lâcher-prise qui fait du bien pour retrouver dans la maladresse, les origines d’un cinéma populaire qui aujourd’hui nous fait défaut. En revisionnant Bibi Fricotin de Marcel Blistène, on se dit que ce cinéma-là, oublié, voire dédaigné, mériterait peut-être une nouvelle séance en laissant nos préjugés à la porte de la salle. De par ses imperfections, ce cinéma nous impose de redevenir un spectateur originel. Bande dessinée en main et image sur écran.