Plus belle sera la vie

Douce France, le film de Geoffrey Couanon sortira un jour en salles, l’année prochaine si tout va bien… Dans un autre temps. Une autre vie, reconstruite peut-être. Indéniablement, une attente. La patience n’est pas forcément une qualité pour des ados du 93, ni pour les autres d’ailleurs. Et ils ont raison. Mais voilà, il y a un défi à relever devant la caméra de Geoffrey Couanon. Participer à un documentaire. Un film d’avant le Covid. Celui d’une enquête, il faut donc prendre son temps…  Un challenge. Quelque chose qui titille les méninges et qui se trouve  à quelques kilomètres à vol d’oiseau de leur lycée Jean Rostand à Villepinte. La classe de 1ère ES est sur les starting-blocks. Trois noms se détacheront du peloton : Amina, Jennifer et Sami. Courir après une idée, celle d’un groupe de professeurs : Marie, professeure de géographie, Thomas, professeur de sciences économiques et sociales et Hanane, professeur de sciences de la vie et de la terre. Une enquête au long-court. Une mobilisation pour un projet d’envergure (aujourd’hui abandonné en l’état mais trois autres sont posés sur la table des négociations) qui devait voir le jour avec l’achèvement du Grand Paris. Le triangle de Gonesse, ce sont 300 hectares de riches terres agricoles confisquées dont 80 ha pour EuropaCity. Un projet inégalé en France. Voilà l’enjeu de notre classe. Ce n’était pas gagné d’avance comme enquête. Comment expliquer qu’un espace dédié aux commerces, aux loisirs et la culture avec à la clé 11 500 emplois peut se révéler nuisible ? Rivalité avec des terres agricoles si proches de Paris que l’on en a oublié qu’elles étaient fertiles. Pot de fer contre pot de terre. La bande d’Amina, Jennifer et Sami part sur les routes pour séparer sans a priori  le bon grain de l’ivraie. Geoffrey Couanon filme avec la discrétion d’un auteur. Il glorifie les paysages comme on aime ses personnages (en cela on n’est pas loin de John Ford). La confrontation des espaces, terres agricoles à l’infini (merci les drones) et les horizons fracturés par les barres d’immeubles de la cité, les contre-jours des salles de classe. Le meilleur des mondes est à venir ! Les réunions et les questions fusent, au-delà des cités, la frontière. La ville, celle des autres, mais aussi le désir de consommation, de se reconnaître, la démocratie… Ils demandent des réponses, ces trois lycéens enquêteurs ! Le film ouvre le robinet à parole et cela fait du bien. Comme cela fait du bien de voir nos mousquetaires prendre leur enquête à bras le corps. Ils écrivent au fil des images un manifeste joyeux, plein de jugeotes et de réflexions. Une fierté citoyenne. Une force surgit des dialogues avec les couples d’agriculteurs des grandes exploitations, les bios, les entrepreneurs et entrepreneuses de l’économie sociale et solidaires, les promoteurs immobiliers, les élus… Ils bousculent les certitudes économiques avec leurs sourires. Des rencontres que beaucoup voudraient improbables. Ce documentaire se fredonne comme une chanson de Trenet. Amina, Jennifer, Sami, les potes du lycée, les profs et Geoffrey, le réalisateur connaissent le refrain et le film en devient la portée.