Romy

 Mademoiselle Ange (Ein Engel auf Erden) – 1959 – de Géza von Radványi

A découvrir jusqu’au 31 juillet 2022 à la Cinémathèque française. Rencontres, films, conférences et visites guidées. Ne pas oublier cette nuit des musées le 14 mai au rythme de de la valse viennoise. Peut-être y croiserez-vous l’ombre de Sissy. Ne pas oublier le catalogue  (35€) qu’il faut ranger à proximité des DVD de Romy.

L’ENFER film inachevé de Henri-Georges Clouzot (1964) . Documentaire de Serge Bromberg et Ruxandra Medrea (2009)

Une femme si moderne

Combien de films avec Romy Schneider sommes-nous capables de citer de mémoire ? Combien de films a-t-elle tournés ? Quelles images nous reste-t’il de cette enfant de la balle, qui fit ses premiers pas de comédienne auprès de sa mère, Magda Schneider, en 1953 dans Quand refleuriront les lilas blancs d’Ernest Marischka ? Au métier de décoratrice, elle préfèrera la comédie. Peut-être pour exorciser par jeu de rôles la culpabilité qui la rongeait. Cette maison familiale à Mariengrund, blottie à quelques kilomètres du nid d’aigle d’Adolf Hitler, et des liens serrés de sa famille avec le 3e Reich. Il faut sortir des brumes funestes. Se libérer du joug d’un passé qui ne vous appartient pas totalement. Le cinéma de l’après-guerre est là comme autant d’opportunités. Déjouer le destin deviendra un jeu de piste que suivra Rosemarie Magdalena Albach-Retty (Romy Schneider) tout au long de sa carrière. L’aventure pouvait commencer. Une aventure unique qu’égraine l’exposition de la Cinémathèque française au prénom unique. A lui seul il suffit à réveiller notre mémoire cinématographique : ROMY. L’estimable établissement nous offre plus de trente ans d’un relationnel qui s’est construit de film en film avec le public français, sans jamais démentir cet attachement. De la petite fiancée autrichienne à l’incarnation de la femme française des années 70, il lui a suffi de traverser le Rhin et de s’imprégner des émotions mises en scène par Luchino Visconti, Orson Welles, Otto Preminger, Alain Cavalier, Henri-Georges Clouzot, Joseph Losey, Claude Sautet, Costa-Gavras, Claude Chabrol…  Un générique aussi  long que celui d’une super-production. D’ailleurs, cette vie de femme et d’actrice n’en est-elle pas une ? Les ingrédients sont là ! Et pourtant, elle déjoue les pronostics, trop maline pour se laisser enfermer. Star, plus d’une fois elle remettra l’ouvrage sur le métier, appliquant ses convictions engagées en déposant, en 1971, sa signature au bas de la tribune pour le droit à l’avortement. C’est dans le silence et les films incarnés (principalement ceux concernant la Seconde Guerre mondiale) qu’elle assumera le mieux son passé familial. Forgeant ainsi une personnalité forte et droite à l’épreuve d’une vie dont le clap de fin résonnera dans la 43e année d’une vie qui remplirait plusieurs romans. La Cinémathèque française ouvre grand ses portes guidant nos pas tout au long d’une exposition richement dotée. Faut-il dévoiler les trésors proposés ? Non, naturellement, gardons la surprise. Car surprise il y a ! Redécouvrir donc ! Ses débuts avec sa mère, Mam’zelle Cricri d’Ernest Marischka en 1957, Un Petit coin de Paradis de Josef Von Baky en 1956, Eva ou les carnets d’une jeune fille de Rolf Thiele en 1958. L’envolée se fera avec Sissy ; ne dira-t-elle pas à propos de cette charge : “J’étais devenue propriété nationale“. Une rencontre avec Alain Delon en 1958 et tout bascule. Exister comme actrice, comme comédienne, c’est la France qui lui offrira ce statut. Chaque film devient un nouvel affranchissement. L’adulte a quitté les contes princiers contre la modernité que lui donnera Alain Cavalier. Faut-il parler de La piscine ? Nous sommes en 1968. Véritale tournant dans sa carrière. Sa rencontre avec Orson Welles lui offrira d’autres opportunités, celles entre autre de se libérer définitivement du carcan de Sissy. Comme un pied de nez, elle reprendra le rôle dans le film de Luchino Visconti Ludwig. La boucle est bouclée. Sa carrière cheminera avec des réalisateurs comme Claude Sautet. Cinq films qui construirons son identité : celle d’une femme française. Les Choses de la vie, Max et les ferrailleurs, César et Rosalie, Mado et Une histoire simple. Une liberté dans le choix des rôles qui exposent le corps, la psyché. Un challenge qui la rendra fragile. Romy Schneider s’est appropriée ce besoin de toute comédienne, avoir la chance d’interpréter les personnages qu’elle désire faire vivre et mourir. Où est le hasard dans le choix des films ? Il n’y a en a pas, comme si le destin avait tracé le chemin. Les derniers films ne proposent que la mort au bout de la séquence : La Mort en Direct, La Banquière, Fantôme d’amour, Garde à vue et la Passante du Sans-Souci. Le 7e Art ne joue pas à la roulette russe. Il devance l’acte. L’exposition est une formidable machine à remonter le temps, trente ans d’un cinéma que Romy Schneider a contribué à forger. Elle y a  apporté cette fragilité mature que toute star offre au public. Visionner ses films, c’est aussi regarder dans le rétroviseur et découvrir, pour certains, une époque qui semblait en suspension. Le monde d’avant ! Et de murmurer sans trop y croire « Nous avons appris quelques petites choses de sa vie ».