Sans frapper

LE SILENCE N'EST PAS D'OR

Alexe Poukine, photographe et réalisatrice belge, rejoint en 2008 un collectif de réalisateurs et réalisatrices et tourne le documentaire Sol mineur. La même année, elle est l’autrice-réalisatrice du court métrage Petites Morts. En 2013, elle réalise son premier long métrage : Dormir, dormir dans les pierres. En 2019, c’est Sans frapper où elle aborde la thématique du viol ainsi que du trouble de stress post-traumatique qui en découle

Le film documentaire, mais pas que, d’Alexe Poukine frappe en subtilité là où ça fait mal. LA PAROLE. Écouter le silence avant d’entendre. Comprendre les errances, le détournement du verbe, sans le condamner. Le documentaire se joue de la représentation mais pas de la réalité. Quel mot pour désigner le VIOL ? Comment le raconter ? Est-ce racontable ? Se libérer. Oser. Sans Frapper est une aventure de la parole, un apprentissage de la confession. Encore que le terme soit trop fort. C’est une parole diluée dans les silences qui nous interpelle, nous scotche dans le fauteuil. Le verbe souvent en suspension. Quel mot pour VIOL ?  Les visages sont là, nous fixant. Personne ne baisse les yeux. La réponse s’inscrit dans les regards. Les intervenants nous interrogent, nous, spectateurs sagement passifs devant l’écran. Le cinéma d’Alexe Poukine est un documentaire fluide avec cette particularité narrative : on vogue entre fiction et documentaire. Une proposition narratrice entièrement voulue par la réalisatrice. Une approches des maux tout en délicatesse. On peut être surpris, mais on n’est pas mal à l’aise devant le traitement. Sans Frapper explore le jeu et le miroir de la réalité. Où sommes nous ? Sur scène, naturellement, lieu de vie et de confidences. Une exploration parfois dangereuse, certains écriront ambiguë, de ces paroles confiées à d’autres et pourtant c’est la force de cette « double » narration qui fait de ce documentaire fictif un film qu’il faut découvrir. Rarement, on aborde avec autant de lucidité le viol. Une parole est laissée aussi au violeur et à son pouvoir… Un film dédoublé dans lequel les spectateurs et spectatrices se sentiront, comme rarement, concernés.es par cette traversée du miroir.