Il y a toujours dans le monde un conflit que les hommes préfèrent ignorer et que les poètes dénoncent. Fredonner Boris Vian n’est pas un hasard lorsque l’on découvre l’affiche du film de Maxime Giroux. Certains s’y sentent en adéquation. Un film presque muet en hommage, certainement, à cette scène d’ouverture : un concours de sosies de Charlot. L’autre personnage du film. L’autre film. Celui du petit vagabond, lui aussi déserteur de la vie sociale. Philippe (notre personnage) chemine dans la désertion sur les pas de Charlot. La peur d’une mobilisation générale ; de se retrouver lui, Philippe, au pas dans l’uniformisation, devant un combat qui n’est pas forcément le sien. La perte de soi, de son identité que broie toute guerre. Il fuit son pays (Ici le Canada – mais cela pourrait être bien d’autres). Fugitif mais pas émigrant. Comment pourrait-il l’être ? Philippe comme Charlot sont citoyens du monde. Mais voilà le monde n’a que faire des poètes. il faut être « LA NORME ». Le film de Maxime Giroux chemine ainsi dans les errances mentales de notre société, dans sa violence et son juste droit devant la haine de la différence (Et l’Ouest américain, malgré ses symboles, n’est pas l’un des seuls points cardinaux à mettre l’horreur en perspective). Le cinéma est ainsi fait qu’il sait ouvrir les portes inconscientes de l’obscurantisme. Quelques plans suffisent pour que les rêves s’y fracassent. Philippe, comme le vagabond, se projette en ombre chinoise, sans se côtoyer. A quoi bon ! puisque le film se termine avec la renaissance. Il y a chez chacun de nous un vagabond qu’il faut réveiller. Le cinéaste québécois vient de sortir en France son quatrième film dont le titre originel La grande noirceur n’enlève rien au titre proposé en Europe francophone, Le Déserteur. Le récit est à voir aussi, parce que l’espoir est ancré dans les images. Le film dans sa longueur (la notion de la route infinie fait aussi partie du cheminement initiatique du spectateur) nous offre une lecture sociale et humaine proche de poète Rimbaud. Laissons, voulez-vous au spectateur et spectatrice, le soin intime de vivre cette désertion. De sentir ce pouvoir de libertaire de dire NON ! Quitte naturellement à être montrer du doigt par les bien- pensants. Parce ceux qui pensent définitivement notre vie.