Prix : 18€
Bonus DVD : Deux courts métrages de Lindsay Anderson: O’Dreamland (1953) et Everyday Except Christmas (1957).
Doriane Films
Nous voilà de retour à l’absurde et cela fait du bien. Un burlesque qui se veut purement cinématographique comme les Anglais en ont le secret et le talent. Mais voilà à y regarder de plus près Britannia Hospital de Lindsay Anderson qui date de 1982 n’a rien d’une fable. Le film est d’une monstrueuse actualité. La gestion de crise que nous traversons s’invite entre les photogrammes et révèle ce que nous connaissions déjà : l’amateurisme de nos politiques et la discorde avec le corps médical qui lui-même est loin de s’accorder. Imaginons ce révélateur. Nous sommes à la veille d’une fête importante. Le Britannia Hospital va fêter ses cinq cents ans en inaugurant une nouvelle aile ultra-moderne. Pour l’occasion un membre de la famille royale fera le déplacement. Ce qui envenimera l’atmosphère en faisant renaître les revendications syndicales. Mots d’ordres soutenus par le professeur Millar (Michael Crowden), mandarin de l’établissement courant après les patients pour ses expériences hors-limites et allant joyeusement jusqu’à la décapitation en vue d’essai sur les greffes. Rude journée donc pour M. Potter, le directeur, Biles, son assistant et Johns, le surintendant de Scotland Yard, qui devront accueillir, comme si de rien n’était, un membre de la famille royale. Faut-il parler de la manifestation organisée aux grilles de l’hôpital ? Jour d’inauguration, jour de catastrophe lorsque l’on reconnaît l’un des protagonistes, Mick Travis (Malcolm MacDowell), un personnage qui a traversé deux décennies et trois univers du réalisateur Lindsay Anderson, cinéaste majeur du Free Cinéma au début des années 60. On retrouve Mick Travis en étudiant dans IF (Palme d’or du festival de Cannes de la même année) en 1968. Après avoir été cet agent perturbateur dans l’université, caméléon le voilà dans la peau d’une future star dans Le Meilleur des mondes possibles ! Aujourd’hui, il est un journaliste emporté par le son rock d’Alan Price (ancien du groupe Animals). La mèche est allumée. Micks Travis en est le détonateur. Faut-il oublié qu’en 1982, la Grande-Bretagne vivait sous l’ère de Margaret Thatcher ? L’établissement sanitaire devient, au fil du film, le reflet volontairement amplifié des dysfonctionnements sociaux et politiques des années Thatcher. Lindsay Anderson n’est pas le seul a avoir tremper sa caméra dans le vitriol. Ken Loach signe la même année Looks and Smiles. Avec Anderson, sous le comique ubuesque se cache une virulente critique sur l’embourbement de tous les rouages étatiques et sur l’individualisme féroce qui anime toutes les composantes de la société, du personnel hospitalier aux administratifs, des journalistes aux privilégiés. Cela ne vous rappelle rien ? Britannia Hospital est un film noir, à l’humour acerbe, aiguisé par l’absurde. Les scènes gores viennent offrir au spectateur un regard cinématographique qu’il ne connaît pas forcément. Mais les références sont présentes : les films de la Hammer. Là où l’on pourrait ne voir que noirceur et pessimisme, la participation volontaire et enjouée d’une ribambelle de comédiens venus prêter main forte au jeux de massacre prouve le contraire. Un générique qui regroupe quelques pointures d’alors, Graham Crowden, Jill Bennett, Leonard Rossiter… Un générique aussi long que le bras. Il n’y a pas de petits rôles, il y a un film, fou et jubilatoire qui fait du bien aux neurones en ces temps de COVID. Britannia Hospital met fin dans un joyeux bazar qui ne manque pas de piquant à la trilogie Mick Travis. Attention, on croyait la mèche éteinte, elle ne l’est pas… Le compte à rebours a commencé.