Un petit Chabrol ?

Masques (1987) DE Claude Chabrol avec Monique Chaumette et Philippe Noiret

Ne pas croire ce que l’on voit. Effleurer l’arrièreplan des pensées au marteau-piqueur. Ébranler la certitude des conventions sociales. Claude Chabrol nous invite à un jeu de dupe où le doute est une certitude. Ainsi le cinéma de Claude Chabrol (1930-2010) met à plat les conventions dans un massacre orchestré, parfaitement entretenu. L’œil espiègle, il se réjouissait de ses farces mises en scène. Un malin plaisir à provoquer, à bousculer. Le cinéma de Chabrol reste de l’ordre de la déstabilisation. On y prend goût. Une revanche ?  Dû peut-être à la rencontre ubuesque avec Alfred Hitchcock avec son comparse François Truffaut. L’anecdote est connue : nous sommes en 1955 aux Studios de Joinville où Hitchcock finalise la postsynchronisation de La Main au collet. Suite à une chute dans un bassin (le secret de la mésaventure est tenue secrète), ils se présentent trempés face à leur idole. Une situation qui remplit Alfred Hitchcock d’une joie non dissimulée. Il est moqueur Alfred, Chabrol en prendra son partie et fera sienne cette déconvenue. Il réalisera 57 films, le même nombre que le Maître du suspens. Tout comme Hitch, Chabrol se veut débonnaire à la Maigret. Il lui ressemble avec sa pipe mais il n’adaptera jamais le commissaire à l’écran préférant garder les habitudes culinaires du policier et de son modèle Alfred Hitchcock. Il est si important de bien manger, aussi bien pendant le tournage que sur le tournage…  S’asseoir à une table et prendre son temps, choisir les lieux en fonction des restaurants avoisinants. La philosophie cinématographique de Claude Chabrol pourrait aussi se résumer à cette emprise gastronomique. Tous ses films ne sont pas à mettre dans le même panier mais tous ont un cheminement culinaire, et pour

certains purement alimentaires ! Le réalisateur abordera le cinéma avec ce plaisir gourmand qui ne le dessaisira jamais. On l’aura compris, voilà un réalisateur épicurien. Images et tablées se conjuguent avec autant de plaisir. Pas un film sans une scène de repas. Pas un tournage sans s’attabler chez un chef et y prendre son temps. Parfois le film attendra. Il sera toujours tant de faire résonner le clap de fin. On sait Claude Chabrol prolifique, varié, sans état d’âme dans ses choix. Le cinéma n’est-il pas un genre à lui tout seul ? Pour un cinéaste issu de la Nouvelle vague Chabrol peut être déroutant. Peu importe puisque le bonheur est dans le filmage. Claude Chabrol est un boulimique, il accepte tout, du film de commande, à la publicité, au cinéma industriel (comme on disait à l’époque)… Rien ne le rebute, tant que devant la caméra il y a quelque chose à filmer. Il rejoint Jean-Luc Godard mais à la différence de celui-ci, il refuse la posture du cinéma d’auteur. Il n’y a pas de « chapelles cinématographiques » chez lui. Seul compte ce qui est projeté. Et il arrive même qu’il se la joue « petite main » avec Hitchcock : sur l’Etau (1969) il tourne l’insert d’un plan de journal. Filmer est un leitmotiv. Sinon à quoi bon se décarcasser à trouver de bons restos. Ainsi est le crédo du réalisateur de Violette Nozière, L’inspecteur Lavardin, ou encore Les Bonnes femmes.  57 films à se mettre sous la dent. Une chose est sûre, on ne ment jamais la bouche pleine… Alors à table avec Chabrol :

Huitres de Bretagne et rillettes en amuse-bouche. Velouté de lentilles,  tête de cochon croustillante en résistance. Fromage, dessert.

Pour la carte des vins à vous de voir.