Wagner aime les tomates

Il y a des films qui de par leur simplicité naturelle nous offrent ce moment rare de cinéma que l’on pourrait décrire comme un petit bonheur. Pas un truc béat, non ! Plutôt un bain de jouvence. Nous sommes avec des gens bien, en Grèce, dans un village d’une trentaine d’habitants. Elias, un gros hameau agricole qui se meurt de l’indifférence de l’Europe. Qui se meurt ? Non ! Alexandro et son cousin se retroussent les manches en compagnie des grands-mères du village. Eux aussi, comme Astérix, savent résister. Un village d’irréductible grecs. Wagner comme potion, mais aussi les chants traditionnels grecs et une pincée de Beethoven. Un mixte qui ne déplairait pas à Panoramix. Une agronomie musicale, en quelque sorte. Pourquoi des pesticides alors que l’on a recours Wagner pour faire rougir au naturel les tomates bio ? Et l’on apprend aussi, au détour d’une séquence, cette drôle d’histoire de graines qui se transmettent de génération en génération depuis des siècles. Graines importées par Christophe Colomb ! Le film vous donne également la recette de la fameuse choriatiki, savoureux mélange de tomates et de légumes frais, agrémenté d’une tranche de feta. Le film de Marianna Economou relate sur un ton joyeux et débonnaire l’aventure d’une coopérative coincée dans l’espace temps à des années-lumière d’Athènes et de Bruxelles. La solidarité contre la crise. On pourrait résumer ainsi le documentaire. Un raccourci un peu simple mais il y a de cela chez ses irréductibles grecs qui exportent aux quatre coins du monde leurs produits dans des petits bocaux stérilisés en verre. Ils sont bio et débrouillards et ils s’en sortent. Tests de goûts, étiquettes à coller sur les bocaux, mises en carton : toute une partie du village défile devant la caméra. Une chaîne de télévision vient filmer ces oiseaux rares, comme on filme une réserve, trois petits tours et puis s’en vont laissant retomber le silence dans l’atelier. Les grand-mères se pouponnent pour cette classe de jeunes Français qui débarque. Elles mettent les petits plats dans les grands. Il ne faut pas croire le village endormi. Elias vit de ces temps de rencontres qui secouent les rues désertes du village. La  fierté hellénique est là, lorsque Alexandro déplie une carte sur la grande table de bois et pointe du doigt les destinations de leur travail… Le monde est à leurs pieds. La petite assemblée réunie autour d’Alexandro et de son cousin se prend de fierté en découvrant les exportations de leurs produits couvrir tous les continents. Mêmes visages satisfaits devant leurs pots parfaitement alignés dans un supermarché de Bruxelles qu’une petite délégation aperçoit enfin, après avoir bien cherché malgré tout. Naturellement, ils écouteront d’une oreille attentive, les évolutions que la coopérative pourrait apporter à leur recette : vivre avec l’évolution du marché, se diversifier… Ils sont sages comme des premiers de la classe face au prof mais ils n’en feront qu’à leurs têtes. Pas question de changer la recette. Alexandro et ses mercenaires ont l’éternité des Dieux avec eux. Le film de Marianna Economou est une éclaircie dans le fog économique que l’on nous impose.