Debout les femmes

Rencontres avec des femmes formidables

Entretien avec Gilles Perret

Il y a des films qui ont du souffle. Qui aère les neurones, qui déblaient d’un coup de bourrasque les idées toutes faites, les sentiments de l’invisibilité du service rendu. Ce peuple des oubliés que les représentants de la République, garant de l’Égalité devant Marianne, balaient d’un revers de loi. Tristes sirs que nos élus qui se comportent comme des aristocrates. Le nouveau film de Gilles Perret et François Ruffin est un documentaire rock, couleur comics. Imaginez de plonger dans le même bain d’aventures, un député de En Marche et un Insoumis ? Le cocktail mal dosé aurait pu rapidement devenir indigeste. Alors pourquoi l’alchimie entre François Ruffin et Bruno Bonnell a-t-elle si bien fonctionné ? Peut-être justement, parce qu’ils ne se sont pas aperçus de la connivence qu’offrait leur représentation cinématographique. Disparates dans l’adversité comme Laurel et Hardy ? naturellement ! Héros à contre-courant. Chacun nageant dans son couloir et pourtant, cette complémentarité mettra en défaut le dicton qui voudrait que les  parallèles ne se rejoignent jamais. Toute l’aventure est là, dans les croisements sociaux, les regards et les sourires. L’envie de rendre l’invisible, visible aux yeux des législateurs. Ruffin et Bonnell vont tout deux retrousser les manches, mouillés leur chemise pour aller à la rencontre de ces femmes qui s’occupent de nos enfants, nos malades, nos personnes âgées et font aussi le ménage à l’Assemblée. Haut les cœurs, les voilà dans leurs actions chahutés par le Covid, le couvre-feu. Qu’à cela ne tienne, hargneux, ils bousculeront les hésitations, les peurs pour mieux dompter les appréhensions, revigorer l’espoir. Un duo de choc qui va se bagarrer aux côtés de ces invisibles. Tout est bon, sur tous les plateaux télé. Dans l’homogénéité de ses différences politiques, notre duo va faire éclater les interrogations journalistiques. Tout est bon pour défendre, avec cette morgue des faubourgs, le projet de loi contre la précarité des aides à domicile, des Accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH), des agents d’entretien, de leurs revalorisations financières, de leurs reconnaissances. Une aventure qui ouvre d’autres perspectives, même si la réticence de l’Assemblée est à la hauteur de la honte qu’elle s’inflige. L’aventure ne fait que commencer. Voir cet emportement tout à fait républicain de François Ruffin devant la commission qui vient de retirer du projet toute sa substance. Il a raison l’Insoumis de hurler devant l’indifférence technocratique des élus. Ils injurient Marianne. Car ne nous y trompons pas ces femmes, toutes ces femmes, Delphine, Sabrina, Assia, Hayat, Sandy et les autres sont à l’effigie de Marianne, dans toutes leurs beautés. Ne sont-elles pas à la fin du film seules dans l’Hémicycle votant la loi promise par Macron ? Promesse non tenue. Cette détermination sans faille de ces femmes est là dans la réjouissante fin qui ouvre d’autres perspectives. Courage, le monde vous appartient déjà.