Tilo Koto

Vous pouvez découvrir les œuvres de Yancouba Badji, Galerie Talmart, 22 rue du Cloître Saint-Merri, 75004 Paris du 23 décembre au 15 janvier. Vernissage le 22 décembre à partir de 17h, à découvrir jusqu’au 31 janvier

Tilo Koto bénéficie aujourd’hui d’une sortie nationale. Réjouissons-nous que de plus en plus de villes accueillent le film de Sophie Bachelier et Valérie Malex. Il suffit de consulter Allociné pour découvrir les salles de votre région qui diffusent le documentaire.

Empreintes picturales

Le film se regarde, brouillant les certitudes convenues. Celles d’images radicales. Indispensables pour vendre la misère humaine aux 20 heures. Ces bateaux surchargés nourrissant l’indignité frileuse des actualités en boucle. Des clandestins aux visages fatigués. Une réalité violente qui engraisse la haine. Il suffirait pourtant de faire un pas de côté. C’est ce qu’ont fait les réalisatrices Sophie Bachelier et Valérie Malek. Voir et comprendre, prendre le temps de la rencontre. Celle d’un clandestin, peintre, artiste et plus, naturellement, puisque humain comme ses compagnons de route. Yancouba Badji a longtemps eu les yeux tournés vers l’Occident, par-delà les mers. Quatre fois, il remettra son ouvrage à flot. Les espoirs chavireront dans le regard de ses amis. L’ancrage d’une vie est dans l’incertitude affrontée. Ce moment de doute. Cette trace sur le tableau qui viendra nourrir la création. Il faut raconter. Alors dessinons. Le film est là, en témoignage, complice d’une toile que Yancouba Badji oubliera de signer. Ce n’est pas une étourderie de l’artiste, non ! Il faut aussi que le tableau vive sa vie, sans attache. Peut-être est-ce dû à cette croisée de chemin en Casamance à l’âge de 13 ans avec un artiste-peintre : Gnily, un peu fou, un peu sage ! La trace comme ligne de vie. Elle s’inscrit dans la solitude des murs blancs de la chambre d’accueil. Ils deviennent des toiles. Le trait comme racine s’inscrit dans le contour de ces visages oubliés, ce bleu maritime qui n’a que la couleur du tube de peinture, loin de la grisaille qu’offrent les peurs sur un bateau de fortune. Il faut représenter les souvenirs. Combien de regards fixent l’infini à travers les œuvres proposées ! Les yeux sont ouverts, grand ouverts. Aucunes des silhouettes n’a le regard baissé. 
Le choix des réalisatrices est judicieux. Glisser doucement l’axe du documentaire sur la personnalité de Yancouba Badji. Clandestin et peintre. L’artiste parle mais pas de lui, il confie ses paroles aux auteures. Et à travers ses mots ce sont ceux de ses compagnons qu’il nous offre. La souffrance humaine n’est pas une question de couleur, ni de continent mais bien de la volonté de faire mal. A traiter son semblable comme une marchandise. Le film dénonce sans pesanteur ce trafic organisé par quelques organisations mafieuses. L’impossibilité de s’en défaire si on veut partir. Le parcours jusqu’en Tunisie, le passage obligé par la Lybie et ses groupes chassant les émigrants comme autant de gibiers. Malheurs aux femmes ! La parole des rescapées est précieuse dans ce camps d’Al Hamdi, à quelques pas de la frontière libyenne qui voit les jeunes fuir la Libye. Tilo Koto signifiant en mandingue et diola, Sous le soleil – La Paix. Ce titre ne doit rien au hasard. Tilo Koto n’est pas seulement le titre du film des réalisatrices Sophie Bachelier et Valérie Malek, mais également un centre culturel qui accueillera des artistes, avec des formations et des ateliers. Un lieu qui a vocation à ne pas laisser au bord d’une plage européenne des corps que la vie a oublié dans l’indifférence.