Bonnes Vacances

L’eau est froide ! Une nouvelle fois vous plongez votre orteil dans la vague moussante pour prendre la bonne décision. Seuls les enfants n’en ont pas peur. Les cris de joie envahissent les plongeons… Immobile, vous regardez ce monde s’amuser, bouée autour de la taille, brassard, bonnet… « Tiens le marchand de glace ambulant, il faut que j’y pense... » C’est à ce moment précis en voyant un maître nageur athlétique courir à l’eau, que vous fredonnez la musique de John Williams. Les images des Dents de la mer, en tête. 1975, un bail ! Petit frisson. Ce n’est que du cinéma… Prudence tout de même,  Il est préférable de s’allonger sur le drap de bain et feuilleter le programme de la station. L’été a longtemps été propice à un cinéma de détente. Celui que l’on se refuse de découvrir en temps « normal »… Pas assez… Pas assez quoi, au fait ? Des films de série B, voire un brin « nanar ». De ceux qui vous font accélérer le « palpitant » ou inversement décrocher la mâchoire de rire. Peu importe, ils sont là pour vous offrir un dépaysement que l’on annonce comme exceptionnel en lettrage rouge sur la bande annonce. Jumelles en main, un dernier coup d’œil pour être sur de ne pas apercevoir un aileron de requin… L’idée chassée, prenons le temps de nous remémorer quelques films (il y en a beaucoup d’autres que vous aurez à cœur de trouver chez un vendeur de DVD). Profitons de découvrir cette affiche rare de 20 000 lieues sous les mer. L’archétype du film d’aventure réussi. Est-ce un hasard si le roman de Jules Verne est mis en musique par Disney ? Non, naturellement. Tout y est et particulièrement la justesse d’interprétation de James Mason tout en retenue, en Capitaine Némo froid, aux convictions déterminées, … Kirk Douglas en marin filou mais aussi Peter Lorre… A noter qu’il s’agit du premier film en vues réelles de la major américaine. A découvrir encore et encore sans oublier l’ouvrage de Jules Verne. Auteur qui verra un grand nombre de ses titres adaptés au cinéma, servant souvent de matrice. Voyage au centre de la Terre en est le parfait exemple, une déclinaison à tout va. Une aventure à laquelle on demande une surenchère continuelle.  Le 6e Continent, le pays des temps oubliés l’illustre à souhait. Avec Doug Mc Clure, comédien abonné aux séries B. Une belle idée tirée d’un roman d’Edgar Rice Burroughs, que n’aurait pas dédaigné Spielberg. La découverte en 1916 d’une ile inconnue (Cela doit vous rappeler quelques chose !) par les rescapés d’un cargo britannique coulé par un sous-marin allemand. Pieds sur la terre ferme, on traverse le temps, de la préhistoire aux premiers hommes. Le tout suivi par les méchants sortis de leur submersible. Pas de souci, les pop-corn vont y passer ! Autre continent : Ici, on s’enfonce dans le bas du tableau avec Le Continent des hommes poissons du réalisateur italien Sergio Martino. Comme souvent, le naufrage est prétexte à l’inconnu. L’aventure sera pimentée de quelques « pin-up » dont Barbara Bach (que l’on retrouvera dans L’Espion qui m’aimait). Nous sommes ici dans un territoire sauvage, avec des bagnards évadés qui tombent nez à nez avec les hommes poissons, protecteurs du trésor de l’Atlantide. Tout y est résumé. On comprend mal ce que fait dans “cette aventure” Pourquoi l’immense acteur Joseph Cotten s’est-il fourvoyé dans cette « aventure » ? Ainsi va ce cinéma, avec des rencontres parfois étonnantes. Orson Welles en était coutumier, et s’amusait à jouer les méchants mexicains et autres tyrans d’opérettes dans quelques western italiens aujourd’hui oubliés. D’autres films profitent du succès relatif de la première version pour s’engouffrer dans des séquelles infinies : souvenez-vous de Piranha 2 ! Pour faire passer la pilule amère, on y ajoute un artifice, la 3D. Quoi de mieux comme sensation que de voir déferler sur nous, pauvres spectateurs, des piranhas volants, mutants préhistoriques, vivant dans un lac souterrain découvert lors de fouilles préparatoires à la création d’un parc aquatique… Libérées, les bestioles s’en donneront à cœur joie. Piranha 2, les tueurs volants de John Gulager a le mérite de renouer avec le format d’une grande partie des films de séries, soit un peu moins de 80 mn. Quoi de mieux que d’entendre hurler ? Cela suffit-il à faire peur ? Non, on frise le grotesque mais peu importe ! Le cinéma existe aussi pour faire vivre les nanars. Certains y consacrent bien une nuit. Ainsi Nanarland cette année à Strasbourg ! Il faut y aller naturellement avec cette délicieuse idée de passer un de ces moments rares où le spectateur se lâche (le terme n’est pas trop fort). Il  faut compléter notre séance par un monument (il l’est devenu avec ses suites): Godzilla (apparition en 1954 et qui révolutionna le cinéma japonais) du réalisateur Ishiro Honda. La monstruosité destructrice de l’animal symbolise Hiroshima, comme beaucoup l’ont suggéré. Le nucléaire comme le doigt de Dieu, fait renaître les montres ancestraux. Il ne faut jamais réveiller une légende !  Et ce n’est pas parce que les villes sont de carton, construites dans les studios de Tōhō, que la violence du géant préhistorique paraît caricaturale. Elle est à l’image d’un pays encore en souffrance. La bombe atomique ne s’est pas arrêtée à Nagasaki. Elle souffle sur bon nombre de films de séries. Les monstres en sont témoins. Pas seulement eux ! Est-ce un hasard si un grand nombre de comédiens américains prêtaient main-forte aux autorités nippones pour le combattre ? Godzilla est une vedette planétaire. On le détournera doucement de sa représentation pour en faire un lutteur de foire. Il affrontera devant le regard des humains  impuissants un grand nombre de voraces en tout genre, jusqu’au mythique King Kong. Le cinéma de série est une empreinte libertaire de nos vies. Un battement de coeur que l’on ne formate pas. Il encourage ce besoin que nous avons à nous détacher un peu plus d’œuvres structurées dont les codes définissent nos attentes.